La Montagne est un film très simple d’accès, sur la quête d’un repos existentiel pour un ingénieur parisien tout juste licencié de sa fonction. Comme pour Vincent n’a pas d’écailles (2014), Thomas Salvador mêle plusieurs registres, dramatique comme fantastique pour le périple de son héros. Contre toute attente, le réalisateur magnifie son sujet propre en rendant un idéal inaccessible, pas si loin de nous, pour croire encore à ses rêves et espérer un nouveau lendemain.


Car cela est bien le sujet du long-métrage, la distance prise entre Pierre et sa vraie nature, ce qui le caractérise comme être humain. A ce titre, Salvador surprend à filmer aussi près son personnage, dans ses déplacements, ses réactions, ses prises de position tout en laissant une grande place à l’immense cadre qui habite le nouveau cadre de vie du personnage. La démesure de l’environnement est parfaitement retranscrite, par les plans larges.


Le cas est plutôt surprenant mais la quête initiatique du personnage principal rappelle celle de Monsieur Hulot dans les célèbres films de Jacques Tati, cherchant la paix avec lui-même. Il y a cette vision absurde qui naît également du cadre sociétal, décrit en début de film avec la robotisation, invitant alors l’homme à se rediriger, se mouvoir et changer. Sans tout expliquer, Salvador laisse la place aux scènes muettes, à l’occasion de la découverte fantastique notamment, nous rapprochant du personnage avec beaucoup de tendresse.


Le plaisir que l’on prend devant cette escapade inconnue relève précisément de la surprise touristique, en quelque sorte. Nous ne sommes pas plus avertis que le personnage principal de ce que le voyage nous réserve, et alors que nous restons intrigués par la beauté du cadre, c’est la matière même de ce qui le compose qui s’apprête à se lier à nous. Le réalisateur jouant l’acteur, la démarche est d’autant plus touchante qu’elle s’avère universelle, et Pierre redécouvre l’amour avec Léa (Louise Bourgoin) comme il se lie enfin à la lumière.


Le principal reste que l’élargissement des perspectives soit aussi bien retranscrit, jusqu’à l’hypnose d’une séquence assez folle où la poésie prend le dessus sur l’effroi d’un élément ultime. Car au-delà de la surprise, la rationalité ne règle pas les émotions, et l’amour propre comme celui que l’on donne à l’autre relève d’un inaccessible pour le spectateur, semblable à celui ressenti devant le monument naturel.


Il faut voir la Montagne au cinéma, pour l’expérience rare qu’elle constitue, qui prend ici toute sa place dans une proposition bien particulière et sensible. Thomas Salvador prend des risques, tout en restant sur un schéma narratif assez classique finalement, et magnifie nombre de scènes qui risquent de plaire aux plus curieux de la nature, et des sentiments amoureux. Une dimension universaliste donc, qui convainc.


A retrouver ici : https://cestquoilecinema.fr/critique-la-montagne-le-vent-le-portera/

Créée

le 1 févr. 2023

Critique lue 183 fois

7 j'aime

William Carlier

Écrit par

Critique lue 183 fois

7

D'autres avis sur La Montagne

La Montagne
Moizi
7

Pierre n'a pas de lampe torche

Il y a des réalisateurs comme Thomas Salvador qui sont trop rares. La Montagne est seulement son second long métrage et forcément après la réussite qu'était Vincent n'a pas d'écailles son retour...

le 4 juin 2023

35 j'aime

La Montagne
Plume231
6

Devenir Pierre !

Le début du film présente, avec une économie narrative efficace, le prototype du quadragénaire parisien (nommé Pierre... il n'est pas difficile de deviner, une fois que l'on a regardé le film, que le...

le 2 févr. 2023

26 j'aime

5

La Montagne
PM34
2

Très beau mais trop long

C'est l'histoire d'un ingénieur en déplacement professionnel au pied des Alpes, qui voit les montagnes par la fenêtre et décide d'y passer le reste de sa vie. Parce que pourquoi pas.Autant le dire...

Par

le 28 avr. 2023

18 j'aime

5

Du même critique

Frère et sœur
William-Carlier
1

Et... ta mère aussi !

Il n’est jamais agréable de constater le piètre jeu d’un acteur que l’on apprécie, surtout lorsqu’il est dirigé par un auteur. Le film d’Arnaud Desplechin est une souffrance constante, paralysée par...

le 23 mai 2022

30 j'aime

2

Black Panther: Wakanda Forever
William-Carlier
2

Pour les enfants

Il n'était pas possible d'attendre quoi que ce soit de ce deuxième volet du déjà très oubliable Black Panther, pour la simple raison qu'il n'y avait encore rien à ajouter à la matière très fine de...

le 20 nov. 2022

20 j'aime

1

Sans filtre
William-Carlier
8

Shitty Ship

Ruben Östlund ne met pas d’accord son public, qu’il avait un peu offusqué lorsque The Square avait remporté la Palme d’Or. On disait son style irritant, son propos social prétentieux en plus de...

le 29 sept. 2022

19 j'aime