La Main
7.3
La Main

Moyen-métrage de Wong Kar-Wai (2004)

Initialement sorti sur nos grands écrans en 2004, le triptyque Eros est un film qui regroupe trois courts/moyens métrages de trois grands réalisateurs (Michelangelo Antonioni, Steven Soderbergh et Wong Kar-Wai) réunis autour du sujet de l'érotisme, "Eros" étant dans la mythologie grecque la divinité de l’Amour et de la puissance créatrice. La plupart des critiques parues à l'époque ont descendu les deux premiers segments d'Antonioni et de Soderbergh et ont loué celui de Wong Kar-Wai. C'est donc en toute logique que le dernier et meilleur segment (et le plus long aussi) soit le seul à bénéficier d’une ressortie en salle presque plus de 20 ans plus tard, en version longue. En effet, pour l'occasion, le film passe de 47 minutes à 56 minutes.

Un jeune tailleur timide (Chang Chen) est troublé lorsqu'il se retrouve face à la beauté irréelle de Mlle Hua (Gong Li), une courtisane de haut rang qui offre ses services de jour (une belle de jour). La star du cinéma chinois (une nouvelle fois magnifique et bouleversante) éveille le désir du jeune apprenti tailleur et le domine d'un bout à l'autre de la confrontation. Elle lui intime l'ordre de se déshabiller et lui caresse le sexe, une petite "friandise" en bonne et due forme. Mais rassurez-vous, cette scène quelque peu osée n'est que le point d'entrée dans l'univers au style si connu et reconnu du cinéaste hongkongais.

The Hand s'inscrit parfaitement dans la continuité de In the Mood for love et de 2046, des films qui explorent un amour "à fleur de peau", jamais consommé tel que prévu. Très vite, la romance se mue en attente (source de frustration) et en une douceâtre mélancolie d'un désir non assouvi. Tout dans The Hand transpire la volupté des sentiments contrariés. Le désir est toujours là, mais jamais pleinement assouvi, parce que toujours contrarié. Comme dans In the Mood for love, c'est l'histoire d'un amour impossible/interdit entre deux êtres qui pourtant s'aiment. Et comme le laisse entendre le titre du film (La main), ainsi que l'affiche, il sera question ici du sens du toucher, du tactile, d'une sensualité ardente et voluptueuse. A cela se rajoute le fétichisme vestimentaire de Wong Kar-Wai, une obsession du cinéaste qu'on retrouve dans tous ses films. Il suffit de repenser aux robes hallucinantes portées par Maggie Cheung dans In the Mood for love.

Wong Kar-Wai s'attaque donc ici au sujet de l'érotisme, un érotisme où tout est suggéré, où rien n'est réellement montré. A l'image du cinéaste, c'est assez subtile, même si généralement l'érotisme se prête assez mal à la subtilité. On frise parfois l'obscène, mais sans jamais franchir la limite de l'indécence ... même si certaines scènes sont quand même franchement osées. Ici, l'érotisme se décline au travers du champ lexical de la main, d'où le titre du film The Hand. La main du tailleur coupe et confectionne avec soin des robes qui épousent affectueusement les formes de Gong Li. Cette même main s’enfonce dans une robe vide qui cristallise son désir pour le corps de la courtisane qui lui est inaccessible. Entre la main de Gong Li (l'objet du désir) qui donne des caresses et la main de ce tailleur qui coupe et taille des robes magnifiques, le parallèle est particulièrement éloquent.

Ceux qui regrettent de n'avoir jamais vu In the Mood for Love au cinéma, trouveront ici un joli prix de consolation. Sans jamais l'égaler, loin de là, on y retrouve tout de même l'esthétique glamour du Hongkong des années 1960 et un regard émerveillé sur une star féminine. Tout comme Maggie Cheung dans In the Mood for Love, Gong Li illumine littéralement l'écran et justifie à elle seule d'aller voir The Hand.

Créée

le 17 janv. 2024

Modifiée

le 17 janv. 2024

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lessthantod

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