
La Liste de Schindler, (Steven Spielberg, 1993) décrit comment Oskar Schindler, un industriel allemand, réussit pendant la Seconde Guerre mondiale à sauver environ 1 200 Juifs promis à la mort dans le camp de concentration de Płaszów, sans pour autant occulter les travers et ambiguïtés d’un espion de l’Abwehr et membre du parti nazi.
Le film montre dans le même mouvement la liquidation du ghetto de Cracovie.
Le film est un succès mondial (3 M d’entrées en France pour un film en noir et blanc de 3h). Spielberg est alors accusé de mercantilisme à l'heure du renfermement de la France sur son pré carré culturel de prestige. L’idée que le récit ne montre que des survivants (1100 sur 6 M de morts) va choquer car cela ne reflète évidemment pas la réalité de la Shoah.
Cette représentation de la Shoah est certes adaptée aux attentes d’un public américain. Dans La Liste de Schindler, le héros du film est un « bon Allemand », un Juste, qui a permis de sauver des centaines de vies juives. Selon les règles propres au cinéma hollywoodien, le film met en avant des valeurs positives, l’issue ne doit pas en être désespérante. Or, Lanzmann avait imposé de façon un peu dogmatique l'impossibilité de fictionnaliser et de représenter la Shoah. On ne peut inventer des images là où il n’y en a pas, on ne peut construire une « histoire » autour de l’extermination comme le fait Spielberg dans La Liste de Schindler.
En réalité, le vrai sujet du film n’est pas Auschwitz mais la mise en place de l’opération de sauvetage des Juifs de Schindler, qui vient court-circuiter la machine de mort nazie.
Spielberg se place donc du côté des vivants, de l’humain. Dès le début, il ne filme que des personnages qui vont en réchapper pour ne pas créer de suspens (filmer un juif qui va mourir c’est finalement s’aligner sur la logique des nazis selon laquelle un juif vivant est déjà un juif mort - ainsi dans la série ABC Holocaust, 1979). Le faux suspens à Auschwitz autour de la scène de la douche permet de rendre l'effroi tout en appliquant à la lettre l'interdit de la reconstitution de la chambre à gaz.
Le film de Steven Spielberg incarnait également un état précis de l'histoire de la mémoire de la Shoah. Spielberg mettait en scène la vie d'un Juste à une époque où le destin de cette poignée d'hommes qui ont sauvé des juifs était de plus en plus mis en lumière.
Enfin, le film marque le début d'une longue carrière fructueuse avec le chef opérateur Janusz Kaminsky, qui montre à nouveau toute l'étendue de son génie dans le récent West Side Story.