John Huston a signé là un grand film d'espionnage. Le contexte de 1970 c'est non seulement la guerre froide USA/URSS mais la crainte de la montée en puissance de la Chine de Mao. Et une certaine lettre écrite imprudemment par les Etats-Unis pour l'URSS dont on a perdu la trace et qu'il faut aller récupérer. Une mission est montée en urgence aux USA avec une équipe de gens hétéroclites mais qui ont par le passé œuvré pour les services de renseignement. Pour de l'argent.
Mais au fait, on s'en fiche un peu du contexte et de l'objet de la mission...
Très rapidement, on se rend compte qu'on a affaire à des individualités qui ne sont intéressées dans la mission que par la promesse d'une prime substantielle. Là où Huston casse un peu l'ambiance, c'est que la prime sera répartie également entre les survivants de la mission... Moins il y a de survivants, ...
Très rapidement, on s'aperçoit que l'objectif (officiel) de la mission n'est qu'un aspect (lointain) et qu'en fait toute l'équipe est manipulée pour résoudre un problème personnel...
Ce qui va donc devenir palpitant dans le film c'est de s'intéresser à chacun des personnages, examiner comment ils se font manipuler et comment ils évoluent en milieu hostile.
Ward, (Richard Boone), le chef de mission, manipulateur en chef, navigue en eaux troubles voire très troubles. Aucun scrupule vis-à-vis de l'adversaire mais aussi vis-à-vis de l'équipe. L'important, c'est d'avoir le bon moyen de pression pour faire avancer ses affaires.
Yorgi, "neveu" de Ward, (Patrick O'Neal) est le naïf de service. Détaché de la marine américaine pour cette mission. De la droiture, certes, mais pourquoi faire ? Il y aura des limites qu'il ne franchira pas mais sera bien obligé de mettre les mains dans le cambouis.
Janis dit the whore dit aussi en VF le souteneur (Nigel Green) : tout un programme ! Pour ceux qui ont déjà vu l'excellent "enfants de salauds" d'André de Toth, c'était le colonel Masters... Nigel Green joue, ici, à la perfection son rôle ignominieux
Le rôle de Bresnavitch, un grand chef soviétique, dont on ne sait rien mais c'est sans importance, autre grand manipulateur et tireur de ficelles, est joué par un Orson Welles impérial. Il a bien su gérer ses intérêts personnels avec l'idéal communiste. Une splendide mise en perspective montre Welles en train de magouiller au téléphone avec en arrière plan une gravure de Lénine au mur .
L'adjoint de Bresnavitch, Kosnov est joué par un dangereux Max Von Sidow mais a-t-il toutes les clés en main ?
La femme de Kosnov, femme dépravée mais au fond plutôt une victime du système, est jouée par la suédoise bergmanienne Bibi Anderson dans un rôle à mon avis à contre-emploi mais dont elle sait tirer son épingle du jeu en faisant preuve d'une certaine droiture.
Et dans ce monde interlope on ne s'étonnera pas de trouver Lila Kedrova ...
Là encore, on est loin, très loin des films de James Bond. On est dans un monde parallèle qui se caractérise par une absence de règles hormis celles que certains se construisent. On ne peut faire confiance à personne. L'important, c'est de disposer du bon moyen de pression que ce soit dans le commando ou que ce soit envers les adversaires qui bien entendu font de même.
La mise en scène de Huston accentue la froideur et le cynisme des personnages en les plaçant dans des situations irréversibles, dont il sera difficile d'échapper.
Sans oublier la fin dont Huston nous laisse penser pendant quelques secondes à un peu d'espoir, qui remet cent balles dans la machine. On ne peut jamais échapper au monde de l'espionnage.

JeanG55
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le 20 déc. 2020

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