-Vas-y termine le boulot !
-Et si tu te comportais en femme ?
-Tu es trop lâche pour me tuer.
-Tu es née femme, mais tu es une honte pour notre sexe.
-Et toi qui gère un saloon, t'es symbole de vertu ?
-Abandonne. Elle se bat, elle tire et elle parle mieux que toi.



Le cinéaste Allan Dwann (4 étranges cavaliers, Le reine de la prairie) avec son incroyable palmarès de plus de 400 films réalisés, présente avec La Femme qui faillit être lynchée une oeuvre assez folle et déroutante, contrastant totalement avec son époque (1953). Présentant une histoire inhabituelle où les femmes sont les stars principales d'un western laissant les hommes entre parenthèses. Loin de tout cliché, les comédiennes Audrey Totter (La Dame du lac, Tension) ainsi que Joan Leslie (L'Aventure inoubliable, sergent York) incarnent de véritables cowboys affrontant diverses péripéties à coup de colts ou de grosses mandales. Une étonnante proposition totalement bienvenue, qui n'hésite pas à casser les stéréotypes.


L'intrigue présente divers points scénaristique intéressant, comme tout d'abord le cadre et lieu de son récit avec la Guerre de Sécession. Les Confédérés affrontent les Yankees. Au milieu de tout ce chaos, tel le petit village Gaulois dans Astérix, une petite ville frontalière Border City n'est pas impacté par la guerre, car la ville a proclamé la neutralité. De par son positionnement spécifique avec la frontière séparant le Missouri et l'Arkansas, traversant la ville en plein milieu. Les troupes des deux côtés ne sont pas autorisées à approcher à moins de 8 kilomètres de Border City. Comme le démontre la séquence d'ouverture, n'importe quel individu pris la main dans le sac en train de transgresser cette neutralité Yankee ou Confédéré inclus est aussitôt lynché (pendu).


Le maire possédant une mine de plomb capable d'alimenter la guerre et de la faire pencher en faveur ou en défaveur d'un des deux camps, chacun obéi aux règles de la neutralité. En conséquence, Border City n'est certes pas impacté par la guerre, mais ne bénéficie plus de la protection de l'armée étant interdite d'accès, laissant toute liberté aux crapules. À cause de cela les hommes toujours aussi courageux ont pris la poudre d'escampette de peur d'être tué laissant les fonctions de maire ainsi que de conseillés municipaux complètement délaissés. D'une poigne de fer, ce sont les femmes qui reprennent la ville conférant un cadre réellement intriguant, laissant malheureusement peu de place aux décors, mais ne manquant absolument pas de dynamisme et de piquant.


Il faut absolument parler des femmes dans ce film, car le cinéaste a fait fort, très fort :


Costumes totalement assumés et décomplexés pour les femmes:
- Déambulement d'Audrey Totter dans un pantalon en cuir bien moulant, dans un ensemble traditionnel de cowboy.
- Tenue de soirée affriolante pour Joan Leslie.
- Mode femme toute neuve (femme présentable de foyer) comme ils disent. Toutes sans exception assument leurs statuts de femmes fortes, sans pour autant tomber dans un féminisme abusé, c'est au contraire nuancé.


Nombreuses scènes d'action innovantes :
- Combat acharné au corps dans un saloon avec en tête d'affiche Joan Leslie contre Audrey Totter, pour un affrontement totalement jubilatoire.
- Superbe duel aux colts en plein milieu d'une ruelle en mode femme contre femme, avec une mise en scène parfaitement soignée encadrant et sublimant la séquence.


Des personnages féminins hauts en couleurs :
- La maire de la ville Delilah qui ressemble étonnamment à s'y méprendre à la malfaisante reine dans Alice au pays des merveilles.
- Une héroïne (Joan Leslie) aux multiples compétences, qui de fleur fragile, se transforme en femme fatale de saloon, pour encore changer de peau et devenir une experte du colt.


Des histoires d'amour totalement osées et couillues :
- Joan Leslie choisit pour amant un Sudiste Confédéré (John Lund : Plume blanche, Au mépris des lois) qui assume sa position (oui oui je plaisante pas), et qui livre un happy ending avec elle (j'imagine la prose : ils vécurent heureux et eurent beaucoup de petits Sudistes). Sachant que le Confédéré a tué son frère (pas rancunière la petite).
- Audrey Totter en plein délire du syndrome de Stockholm, aimant celui qui l'a kidnappé (Brian Donlevy : Le Monstre, Impact)de son mari (Reed Hadley : Racket Squad) aimant pour mieux le ridiculiser et le faire abattre par ses soins alors qu'elle l'aimait vraiment.


Tant de caractéristiques originales, audacieuses et impétueuses avec de subtils sous-textes anti-maccarthysme, que sur le moment je pensai regarder un film d'actualité. Et le pire, c'est que cela fonctionne très bien.


Malheureusement, alors que ça roulait formidablement bien avec son thème intelligent, ses nombreuses actions assez sauvages, un contexte posant des bases solides, une bo fonctionnelle appuyée par des chansons sympathiques, une atmosphère tendue réussit, une technicité en noir et blanc visuellement parfaite avec de beaux contrastes, le film craque sur sa fin par une écriture scénaristique qui se met à faire un peu n'importe quoi avec la résultante finale, par des choix narratifs plus que douteux rendant l'intrigue bancale tissée de fil blanc grossier. Un gros gâchis qui clairement désamorce beaucoup trop d'éléments positifs, rendant l'expérience moins affriolante ce qui est tellement dommage.


On retrouve une panoplie de personnages intéressants, dans l'ensemble bien interprétés avec une convaincante Sally Maris (Joan Leslie) avec son amant le Confédéré Lance Horton (John Lund) qui ici sert seulement à être sauvé par sa dulcinée (changement de rôle bienvenu), contre une bande de hors-la-loi comprenant des pointures telles que : le jeune Jesse James (Ben Cooper : Duel au Colorado, Johnny Guitare), Frank James (James Brown : Gun Fight, Rintintin), et enfin le boss William Clarke Quantrill (Brian Donlevy) avec son impitoyable femme, Kate (Audrey Totter). Le seul point noir car elle surjoue pas mal dans ce rôle malgré sa féérique voix. Le plus original des personnages vient du rôle secondaire de la maire de la ville " Delilah ", incarnée par l'actrice Nina Varella, qui est formidable dans ce rôle.


CONCLUSION :


La Femme qui faillit être lynchée est un western symboliquement fort, très étranges de par son année de conception présentant beaucoup de points positifs comme l'utilisation des femmes qui pour ce film sont les plus fortes, la technicité, les chansons, les nombreuses actions et un cadre parfaitement élaboré pour une histoire qui sur la fin fait un peu du n'importe quoi et c'est bien dommage.


Un western qui sort sacrément des sentiers battus je vous le dis. Pour sa proposition audacieusement couillue pour l'époque, le film est à voir absolument.



-Je suis maire maintenant, j'ai adopté la neutralité.
-Je suis neutre. Même pas un coup. Personne ne s'est plaint de moi.
-Alors, vous êtes neutre ? Vous avez tué 5 Yankees en chemin.
-Ils ont distribué les cartes.
-Vous les aviez toutes en main. A quatre contre un ! Vous n'êtes pas neutre et ne l'avez jamais été. Je veux que vous quittiez la ville sous 24 heures.
-Sinon, vous nous mettrez dehors personnellement ?
-Sinon, je laisserai l'armée Nordiste s'en charger. Il y a une garnison à quelques kilomètres d'ici... Ils rêvent de vous mettre la main dessus. Surtout après aujourd'hui. Allez, du balai.
-Ce que j'aime chez vous, Delilah, c'est que vous ne griffez pas... vous cognez.


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le 2 janv. 2020

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