Les années 30 à 50 constituèrent un véritable âge d’or du film policier, avec ces films que l’on qualifiait de « films noirs », œuvres dramatiques mettant en lumière les troubles de la société et des Hommes à une époque elle-même encore troublée. Alors que Bogart est devenu une star accomplie, il termine sa collaboration avec la Warner Bros avec La Femme à abattre, une dernière association qui fait des étincelles.


La Femme à abattre est de ces films qui nous mettent tout de suite dans l’action. Un convoi à la surveillance maximale dirige un témoin crucial vers le tribunal, pour un procès qu’il peut faire basculer afin de faire chuter un gangster notoire. Le plus dur est fait, le témoin est sécurisé, mais la situation s’envenime rapidement. La paranoïa s’empare de l’homme, le doute l’envahit, et le courage le quitte progressivement. Quand une catastrophe se produit, il faut reprendre toute l’enquête à ses débuts, et vite, car l’audience a lieu dans quelques heures seulement. Débute un long flashback, qui va permettre de faire comprendre au spectateur comment nous en sommes arrivés à cette situation, et comment le juge incarné par Humphrey Bogart va tenter de s’en sortir.


Tout est une affaire de temps dans La Femme à abattre. Le spectateur le comprend dès la longue séquence introductive, qui se déroule quasiment en temps réel. Pas de longues ellipses, c’est un véritable contre-la-montre qui s’engage, tout doit être exécuté et résolu le plus rapidement possible, mais sans rien négliger. Avec cette construction à rebours, tout est fait pour que le spectateur se sente égaré pour que, seulement au bout d’un certain temps, les pièces du puzzle commencent à s’assembler et à dissiper le brouillard ambiant. La Femme à abattre nous entraîne dans une enquête aussi épuisante que captivante, où tout le monde peut être coupable, et où n’importe qui peut se retrouver, malgré lui, victime d’une machination criminelle.


C’est justement l’un des points les plus surprenants du film : ce ne sont pas des gangsters chevronnés qui sont ici recherchés, mais bien des hommes auparavant sans histoire, qui se sont retrouvés à devoir travailler pour une organisation obscure. Ces assassins en puissance ont tous en commun d’avoir été menés à sombrer dans l’illégalité par désespoir plus que par simple cupidité. Leur fragilité se ressent à l’écran, et elle transparaît encore plus lorsque le juge croise certains d’entre eux lors de son enquête. C’est ainsi que le tout se veut réaliste (bien que très romancé, bien entendu) et surtout ancré dans une réalité palpable, ce qui illustre un monde sinistre où la frontière entre le monde de monsieur et madame Toutlemonde et ce monde souterrain.


La Femme à abattre laisse peu de répit au spectateur, et parvient à nous immerger dans cette enquête menée tambour battant, qui nous perd dans un premier temps, avant que les révélations ne se succèdent et ne nous donnent satisfaction. Signé Bretaigne Windust, le film a en bonne partie été tourné par Raoul Walsh, qui est venu aider son collègue convalescent, nous faisant profiter de sa maîtrise, de son sens de l’action et du suspense pour contribuer à la réussite qu’est ce film. Comme à son habitude, Humphrey Bogart tient la tête d’affiche avec succès, pour un film qui se voit et se revoit avec grand plaisir.


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le 8 nov. 2022

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