En 1942, le cinéaste Jacques Tourneur signait avec Cat People un véritable classique du fantastique, transformant une simple série B en merveille de suggestion et de mystère velouté. Quarante ans plus tard, Paul Schrader en proposait une variation pour le compte de Universal, sans toutefois recevoir les mêmes louanges.


N'en déplaise à ses détracteurs qui en attendait peut-être une copie conforme de l'original (ou tout simplement souhaitait qu'on laisse tranquille le film de Tourneur, ce que je peux aisément concevoir), Cat People version 1982 reste encore aujourd'hui une proposition franchement intéressante, que ce soit en terme d'image ou de dramaturgie.


Conscient qu'adapter tel quel le long-métrage de 1942 ne présenterait aucun intérêt et serait de toute façon un naufrage artistique (car comment en reproduire l'ambiance sans se vautrer dans les grandes largeurs ?), Paul Schrader préfère au contraire en conserver les grandes lignes pour mieux s'en éloigner, délaisser la suggestion au profit d'une approche volontairement démonstrative.


Le cinéaste prend ici à bras le corps son sujet, épousant totalement le parfum sulfureux d'une telle histoire, laissant le spectateur à mi-chemin entre le cauchemar éveillé et le rêve érotique. Là où Tourneur laissait planer le doute sur le caractère fantastique de son film, l'abordant comme une crise de couple tout ce qu'il y a de plus réelle, Schrader y fonce tête baissée, donnant à son remake des allures de conte cruel initiatique.


Traversé de visions oniriques de toute beauté, ménageant quelques moments de pure flippe (les séquences avec la panthère sont impressionnantes pour l'époque), Cat People est aussi et surtout un portrait de femme troublant au plus haut point, et une histoire d'amour aussi folle que carrément déviante. Une romance où l'amour et le sexe ne peuvent vivre sans le sang et la mort, où assumer pleinement ses désirs et ses pulsions ne peut qu'aboutir à la destruction ou à un abandon total envers l'autre.


Bien qu'accusant de sérieuses rides et traînant parfois la patte (sans mauvais jeu de mots), le Cat People de Paul Schrader reste une relecture troublante et fascinante, sensuelle et ultra-sexuée, compensant ses faiblesses par une poignée d'images marquantes, par le jusqu'auboutisme de sa démarche et par la présence magnétique d'une Nastassja Kinski à tomber.

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le 12 juin 2016

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Gand-Alf

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