La Favorite est une farce et, à ce titre, convertit la fièvre misanthropique de son réalisateur en frénésie grotesque parfois très drôle, toujours captivante. L’œuvre est boursouflée, ne respire guère : sa mise en scène chérit les cadrages insolites, jouant ainsi sur la notion de naturel, tout bonnement absente de l’époque ainsi dépeinte. Surtout, trois actrices principales assurent le spectacle, avec une mention spéciale pour Olivia Colman qui, après avoir interprété Elizabeth II dans la saison 3 de la série The Crown, campe une Anne d’Angleterre impériale, à la fragilité autant ridicule que bouleversante. L’emploi du fish-eye enferme ces femmes dans leur condition et dans la cour où se joue une rivalité à mort : car il est bien question ici d’assurer sa survie, de s’élever dans la hiérarchie, mouvement que le film traduite par deux symboles : d’une part la position couchée qui place la favorite et la reine sur le même plan, d’autre part l’agenouillement final qui vient briser les illusions de notre héroïne et rétablir son infériorité. Avec La Favorite, Yórgos Lánthimos livre certainement son film le plus abouti, et fait preuve d’une indépendance vis-à-vis de l’Histoire et du cinéma qui transporte l’âme.