Dans la petite ville de Anarene, au Texas – considérée comme une ville fantôme depuis les années 1970 – les distractions sont relativement restreintes : les gens passent leur temps à jouer au billard, à manger des cheeseburgers au café du coin et à aller au cinéma lorsque des séances sont proposées. Même le football américain n’est plus considéré comme une distraction mais comme une source d’énervement tellement l’équipe locale est mauvaise, seul le bal de noël constitue un semblant de vie autour de ce presque No Man’s Land.
Dès les premières images du film, Peter Bogdanovitch a le talent pour faire prendre peur face à cette ville : tout est si silencieux que le seul son régnant est celui d’un vent glacial. Et cette peur évolue lorsque le film dévoile les profonds changements psychologiques provoqués par l’emprise de cette dernière sur ses habitants. Ils ont conscience qu’absolument tout est « plat et vide », rien ne les retient, ils pourraient partir et se construire une vie ailleurs – en laissant seulement derrière eux leur nostalgie – mais le désert texans finira toujours par les ramener à leur point de départ, sonnant comme la fin de la promenade d’un prisonnier avant de retourner en cellule.
Dans les relations humaines, absolument tout est conditionné par le sexe au point que cela en devient le principal mode de communication ou encore pire, un moyen de survivre. La libération des mœurs sauve les gens de cet immobilisme auquel ils sont attachés en restant enfermés dans cette ville, il les sauve de l’ennui profond auquel ils sont confrontés, ce qui engendre les pires transformations psychologiques. Si pour certains il est perçu comme une manière (quasi-ironique) de devenir un homme, pour d’autres il en devient une source d’obsession – comme la recherche déterminée de l’inconnu – particulièrement pour le personnage de Cybill Shepherd : une jeune fille chaste et dans la tradition puritaine qui en vient à vouloir absolument connaître des relations sexuelles au point de s’énerver contre son partenaire quand ce dernier n’arrive pas à lui faire l’amour, au point de le quitter juste après pour vivre l’expérience avec d’autres personnes.
Au final la relation humaine aura toujours comme finalité le rapport physique à l’autre, sauf que ce rapport physique ne contient plus de sentiments : les baisers, la chaleur humaine sont échangés comme de la vulgaire marchandise. La relation humaine comble le vide et ne rend plus heureux.
Au fur et à mesure que cette ville s’éteint, l'espoir de partir devient un luxe alors l'armée apparaît comme l'espérance ultime de la délivrance face à un désespoir incontrôlable.
Ce n’est que lorsque la douleur atteint son paroxysme, que le glas de cette ville sonne et meurt en silence, sous le son de ce vent glacial.