J.C. (prononcez "Djai Si"), c'est James Cleveland Owens, dit "Jesse Owens", le messie, le sauveur, l'homme grâce auquel les Noirs américains verront leur image de parias prendre un tout petit peu de galon auprès de leurs compatriotes blancs, le temps des Jeux...


Car ce biopic --- dont le titre original, Race, évoque efficacement à la fois la couleur de la peau et la course --- se focalise sur une très courte période de la vie de l'athlète : les JO de Berlin, ainsi qu'une poignée d'années précédant l'événement.


C'est donc un Jesse déjà réputé qui est présenté et qu'un entraîneur prend sous son aile afin, espère-t-il, de lui faire décrocher l'or en territoire nazi.


On se dit qu'en deux heures le réalisateur Stephen Hopkins aura largement le temps de soigner les contextes sportif et socio-historique dans lequel se déroule son récit.


Comment incarner et porter, en tant que Noir, les espoirs d'une nation ségrégationniste ? Faut-il accepter "l'invitation" d'Hitler ? Se rendre à Berlin, n'est-ce pas cautionner un régime haineux ? ... Qu'en pensent les WASP ? Qu'en pensent les Blancs ? Qu'en pensent les Juifs ? ... Comment Jesse intériorise-t-il ces dilemmes ? Comment cela affecte-t-il sa préparation ? ... Comment, sur place, va-t-il vivre la pression (supposément) délirante ?
Autant de thématiques pour le moins excitantes...


Hélas...


Si le (faux)suspense concernant la participation des États-Unis au Jeux berlinois est plutôt bien traité, si le parallèle entre les racismes américain et allemand est correctement établi, le reste n'est malheureusement pas du tout à la hauteur : manque de tension, manque de souffle, manque d'idées...


L'entraînement d'Owens et la perspective des Jeux sont insipides, leur avènement est anecdotique, les épreuves sont fadasses, l'ambiance est tiède...


En outre, le charisme des deux personnages principaux (Owens et son entraîneur) fait si cruellement défaut --- et ce n'est pas la présence de Jeremy Irons au casting, et encore moins celle de William Hurt (si furtive qu'elle confine au caméo !), qui sauvent la mise --- qu'ils se font voler la vedette par la réalisatrice du film de propagande nazie : Carice van Houten, excellente en femme bravache et pleine d'esprit défiant un Goebbels taiseux et inquiétant.



Le film ne tient finalement --- et encore... --- que par son sujet, par l'Histoire déjà écrite. Nullement en raison d'un script pensé et chéri, d'un projet rêvé.



Quand par exemple le champion allemand Luz Long s'approche d'Owens, sympathise avec lui (dans le stade et à l'hôtel), la manière de filmer ces moments a beau être plate, on frisonne. Hopkins s'est contenté de transcrire des faits avérés avec un minimum de travail, mais ceux-ci étant naturellement émouvants, le spectateur est touché.


Stephen Hopkins, champion de la frustration !

Arnaud-Fioutieur
4

Créée

le 20 juin 2020

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