La dictature du scénario

5 ans après l’excellent Le Caire Confidentiel, Tarik Saleh revient nous raconter le voyage initiatique du jeune Adam, parti de son petit village de pêcheur à la grande ville, pour intégrer la plus prestigieuse des universités du pays.

La mise en scène, au plus près des personnages, nous fait bien ressentir la tension qui règne au sein de cet établissement, où les faux-semblants sont légion et les rivalités exacerbées, avec en toile de fond des guerres d’influence entre pouvoir politique et religion.

Malgré un propos tout à fait louable et inattaquable, le film pêche dans son scénario très programmatique, didactique et surtout lourdement explicatif. Pour preuve, le panneau d’ouverture expliquant l’importance de l’université Al-Azhar sera répété par un personnage 5 minutes plus tard, puis par un autre encore 5 minutes après. Tout le film sera malheureusement à l'image de cela, et des dialogues explicatifs suivront systématiquement ce que la mise en scène expliquait déjà, plutôt brillamment d’ailleurs.

En outre, la crédibilité du récit est régulièrement mise à mal (les rencontres au Starbucks local, où les précautions préalables sont progressivement abandonnées sans aucune raison, la facilité avec laquelle Adam a accès et gagne la confiance de ses interlocuteurs successifs sans jamais éveiller les soupçons, comme pour toujours faire avancer un scénario qui se déploie sous nos yeux avec trop peu de subtilité). Les énormes ficelles finissent par lasser (l’intégration au groupe de salafistes, l’appel à l’oncle, la commande au McDo et la révélation publique du viol, la relation avec le cheikh incorruptible…) et nous mettent à l’écart d’une quelconque implication émotionnelle, malgré le jeu assez convainquant du jeune prolo que les évènements dépassent, Tawfeek Barhom.

La dénonciation de la corruption à tous les étages est louable, mais ce récit initiatique est bien trop programmatique pour que la sauce prenne. Dommage, mais on attendra quand même le prochain film de Tarik Saleh avec impatience !