Lors du générique, la caméra de Sidney Lumet tente de présenter la prison du désert dans une sorte de travelling, un long plan-séquence à quelques mètres de hauteur, en virtuose haut perché. Souvent au cours du film, cette caméra n'hésite pas à suivre les protagonistes, dans leurs mouvements, dans les couloirs, dans la cour, sur cette monstrueuse colline, artifice de sable érigé pour punir les détenus récalcitrants. Les gros plans sont légions, pour entrer de plein fouet au coeur du conflit, du combat entre le fou et ses objets, entre gros traits et fines lames, entre peur et courage. La caméra à l'épaule en ces années 60 est sûrement innovatrice, mais tremble beaucoup. Les gros plans dans les moments de tension extrême participent de cette entreprise à transformer d'entrée de jeu le film en une sorte de boule de nerf de bout en bout. Le soleil tape. Les systèmes nerveux sont mis à rude épreuve. Les gardiens comme les détenus sont des hommes : des laches, des obstinés, des braves. Le film montre bien les différentes barrières et comment ces hommes se diposent d'un côté ou de l'autre, plus souvent par les tripes que par la cervelle. Les enjeux d'autorité et la définition même des rapports d'ordre et de force élaborent sourdement les conflits entre les hommes, jusqu'à la négation des principes de vie, fouillant l'âme, la bêtise jusqu'à l'aveuglement ou l'exacerbation du non humain, de l'ignoble, de l'animalité. A force d'exercer une main de fer et de réduire la dignité humaine, ils en sont réduits à l'instinct de survie, à la folie ou la mort.

Pour parvenir à un tel niveau de tension et de vérité à la fois, il fallait à Lumet le concours de comédiens britanniques chevronnés ou du moins talentueux. Connery d'abord sort tout juste de son Goldfinger. Ian Hendry n'a pas de visage, se cache derrière la visière de sa casquette et sa cravache, ses yeux sont des billes d'acier.
Alligator
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le 1 mars 2013

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