La Cité interdite
6.6
La Cité interdite

Long-métrage d'animation de Yoshiaki Kawajiri (1987)

Lettre d'amour à John Carpenter par Yoshiaki Kawajiri



  • Pas la peine de te demander qui tu es, merci pour ton aide.

  • On m'a dit que tu étais le meilleur mais apparemment ta réputation est exagérée.

  • Puis-je me permettre de me présenter ? Je suis...

  • Renzaburo Taki 25 ans, taille 1m80, poids 65 kilos, groupe sanguin AB, officiellement vendeur chez un vendeur de matériel électro ménagé, salaire mensuel 230 000 yens, célibataire pas d'enfant.

  • Très impressionnant. Parle- moi de toi, j'aimerais beaucoup connaître tes mensurations.

  • Je m'appelle Makie je n'ai pas d'autre nom. Pas de parent, pas de mari, pas d'enfant. Officiellement mannequin mais pas connu. On dit que mon sale caractère m'empêche de décrocher des boulots.

  • Eh bien tant pis pour eux. Moi je trouve que tu es vraiment canon, je dirais même horriblement parfaite.

  • Merci j'apprécie le compliment, mais on ne peut pas passer la nuit à bavarder, notre client va bientôt arriver.

  • Tu es aussi horriblement consciencieuse, je sens que ça va être un vrai plaisir de travailler avec toi.




Petite pensée



Wicked city de son titre français La Cité interdite (que je préfère), est un classique de l'animation horrifique des années 80. Réalisé par l'illustre Yoshiaki Kawajiri (Ninja scroll, Vampire Hunter D, Demon City...), profitant du succès grandissant d'Urotsukidoji de Toshio Maeda pour mettre en avant ce qui sera l'acte le plus noir, violent et abject du cinéaste avec ce polar noir d'épouvante érotique. Dire que mes parents m''ont offert la VHS lorsque j'avais à peine 12 ans, ne sachant pas à ce moment-là le genre de dessin animé qu'ils venaient de m'offrir. Lors de mon premier visionnage, je fus tellement marqué par ce que j'avais sous les yeux que j'en avais pas parlé à ma famille, ne voulant pas être privé d'une telle vidéo dont jamais je n'aurais imaginé (à l'époque) son existence.



Mise en garde !



Je vous avertis, il faut être psychologiquement prêt pour regarder La Cité interdite, qui peut se révéler ardu à regarder. Hautement scandaleux, le visionnage peut s'avérer très éprouvant pour un spectateur ne sachant pas ce qu'il a en face de lui. Quelques séquences font preuves de beaucoup de violences répugnantes, où le viol est souvent dépeint de manière assez brutale. Des séquences immondes où l'héroïne subit constamment des agressions sexuelles par des antagonistes qui prennent des formes révoltantes. Un petit parasite qui se faufile dans les vêtements de la jeune femme pour lui faire éclater ses vêtements et se transformer en quelque chose de surdimensionné, grossier et difforme rappelant clairement un Alien avec sa langue qu'il se sert pour commettre l'adultère.
Pour donner toute la mesure folle de cette d'animation, Yoshiaki Kawajiri va même jusqu'à créer de l'ignominie autour de la forme des monstres. Des formes abjectes qui peuvent prendre la forme d'un vagin géant placé sur le ventre d'une créature, qui mouille de désir pour appâter ses adversaires et les introduire en elle pour les dévorer. Une femme araignée qui dispose d'une mâchoire géante à la place du vagin, dévorant les pénis de ceux osant la visiter. Comme si cela ne suffisait pas, les humains sont également révoltant, en la personne du vieux nain. Un vieux qui passe la majeure partie du long-métrage à harceler l'héroïne jusqu'à lui peloter les fesses, les jambes... En définitive, La Cité Interdite n'est clairement pas à mettre entre toutes les mains.
Fin de la mise en garde.



L'antre de la folie



La Cité Interdite raconte le récit de deux agents spéciaux de la Garde noire, "Taki Genzaburo", un humain, et "Makie", une démone. Ils sont envoyés pour protéger "Giuseppi Mayart", un vieux nain de 200 ans capable de stopper la guerre entre les démons et les humains en signant un traité de paix. Malgré leurs différences, Makie et Taki devront faire équipe pour surmonter la mission dont ils ont la charge. Un récit doté d'une construction dramatique intelligente qui se refuse à partir sur une énième guerre entre les gentils humains d'un côté et les méchants démons de l'autre. Les créatures des ténèbres veulent également la paix d'où l'importance du traité. Seulement voilà, il y a des radicaux qui veulent absolument empêcher l'aboutissement d'une paix durable. Un polar noir horrifique érotique se déroulant sur une seule nuit. Une approche anxiogène qui ne laisse aucun répit au spectacle proposé offrant une bonne dynamique. On ne s'ennuie pas un instant. En conséquence, le récit accélére la relation entre les deux personnages principaux qui finissent par tomber amoureux. Une relation qui va trop vite et qu'il aurait fallu davantage construire afin d'apporter une crédibilité complémentaire qui aurait apporté une stabilité bienvenue à l'intrigue.


Techniquement c'est du costaud ! Une élaboration composée de superbes images d'une précision chirurgicale. Les dessins sont composés de traits fins qui confèrent une authenticité à la conception des personnages. Une marque de fabrique qui porte la marque de "Yoshiaki Kawajiri". Une animation qui malgré les années conserve son caractère authentique aussi bien sur le physique des personnages que les lugubres décors. Une fresque macabre sur une ambiance anxiogène qui livre avec dévotion des belles pièces d'horreurs sur une action efficace. Des affrontements spectaculaires greffés sur des séquences extrêmement violentes pour un maximum d'effets visuels. Une réalisation implacable qui ne laisse rien au hasard. La bande-son d'Osamu Shoji délivre d'excellents morceaux divers et variés typiques des années 80. Une sonorité de synthés contre-balancé par des morceaux de jazz. Une composition qui cadre parfaitement avec la pièce d'horreur délivrée. On profite même d'une chanson en plein milieu du film symbolisant la déclaration d'amour entre les deux protagonistes. Une approche typique de son époque.



Pourquoi tant de haine Kawajiri !?



La Cité interdite, est un condensé d'ultra violences et de sexes ! Une exploration brutale qui sans filtre déroule son cheminement cauchemardesque. Devant un tel spectacle, on est en droit de se demander, où Yoshiaki Kawajiri voulait en venir en réalisant une telle oeuvre ?
Est-ce une oeuvre gratuite dans sa démonstration agressive, où bien cherche-t-il à véhiculer un message précis ?
J'ai lu énormément d'articles et de critiques sur le sujet, et je n'ai encore jamais vu personne y faire allusion, mais je m'y risque tout de même. Aussi dingue et surprenant que cela puisse paraître, si la forme est perverse et abominable, le fond, lui, se caractérise par une traduction bien plus émotive et affective. La Cité interdite véhicule un message d'amour sous forme d'avertissement. « Oui, oui, je suis sérieux. » Le récit présente une lutte glaçante entre le bien et le mal, représenté par nos plus vils instincts face à notre capacité à aimer. Toute cette débauche sexuelle est illustrée par un message cru et froid d'avertissement contre le sexe facile pour encourager l'amour véritable. Chaque fois que deux personnages viennent à coucher ensemble par pur et simple plaisir de chair, sans une once d'amour, s'ensuit une forte dose de fureurs punitives. Lorsque Taki rencontre la spiderwoman (camouflée en belle jeune femme), celle-ci l'invite das sa demeure. Une fois à l'intérieur, la jeune femme se met toute nue et se jette littéralement sur sa braguette pour mettre son membre dans sa bouche. Taki lui-même est surpris.
« - Hein ? Dit moi chéri tu es plutôt dans le genre rapide toi.
- Ça sert à rien de perdre du temps.
- Non mais je préfère qu'on se mette dans l'ambiance, prendre un verre, discutés, apprendre à se connaître. Tu vois ce que je veux dire ?
(elle s'approche de lui, se met à genoux et baisse sa braguette)
- Voilà ce qui me rend impatiente, comment y résister.
(la fellation commence)
- Au bon sang, cette fille est diabolique. Elle ne ressemble pas du tout à celle que j'ai l'habitude de rencontrer. Elle n'est pas du tout comme je l'imagine, mais je m'en plaindrais pas.


MONUMENTALE ERREUR ! Sous la direction de Kawajiri, lorsqu'on succombe à la tentation, on en subit les conséquences ! On retrouve tout du long cette philosophie de la parjure par la punition. Une conduite affectant n'importe quel personnages, comme le vieux nain, qui en manque de sexe file à la première occasion dans un salon de massage (pour ne pas dire prostitution). Un geste de débauche qu'il viendra à amèrement regretter. La pauvre Makie est une démone symbolisant le pêcher du désir. Elle paye fortement le prix de son passage vers la lumière en étant perpétuellement agressée par le monde obscur. Seul l'amour viendra la délivrée. Un sentiment pur d'où émergera la vie. À ce moment-là, elle se retrouve entourée d'un halo lumineux représenté par une barrière de pureté faisant front à la perversion du monde. Plus personne ne peut l'atteindre, l'amour a vaincu. Un cheminement théâtral qui a tout de même le mérite d'être là, si bien que je peux affirmer qu'il s'agit nullement d'une œuvre gratuite dans la débauche qu'il présente. La moralité c'est qu'il faut être prudent et ne pas succomber au plaisir des corps, car l'amour triomphe de tout. Un peu puritain mais c'est l'époque qui veut ça.



Lettre d'amour à John Carpenter



La Cité interdite est une déclaration d'amour au cinéma horrifique fantastique américain de John Carpenter, avec quelques inspirations éparses d'autres cinéaste du genre, le tout accompagné d'une sauce Hentai histoire de ne pas perdre l'aspect japonais. Yoshiaki Kawajiri livre une déclaration d'amour envers le travail de John Carpenter. L'attention méticuleuse accordée à la création effrayante et dégoutante des monstres est directement inspiré du travail de Big Jones, plus particulièrement sur son oeuvre "The Thing", sortie en 1982. L'inspiration du design est clairement là, et il ne s'en cache à aucun moment. Allant même jusqu'à récupérer les mêmes bruitages pour les reconstitutions des démons avec ce même souffle et ce même son de tentacules. Lors du combat dans l'aéroport, on a droit à une séquence frappante tout droit tirée de The Thing. Une tête arrachée avec deux tentacules sous forme d'antenne en guise d'yeux, et qui se déplace comme une araignée avec des pattes sortant de sur le côté du crâne.
Lors de la séquence finale, l'antagoniste principal complètement éclaté se reconstitue, prenant exactement la même forme que "la Chose" lors de ses transformations. On retrouve deux autres clins d'oeil à la chose avec la fameuse séquence de la mâchoire géante dans le ventre, lors d'une scène où un antagoniste saisi Taki par-derrière et l'attrape avec sa mâchoire sortant du ventre. Un rappel similaire avec la fameuse scène du vagin géant sortant du ventre de la démone.
Le vieux nain Giuseppi Mayart, que l'on retrouve sous une figure quasi similaire dans Ninja Scroll, rappelle un personnage chinois souvent utilisé par le cinéaste américain, l'acteur ''Victor Wong''. Un comédien que l'on retrouve souvent en vieux fou sage et singulier dans "Prince des ténèbres", "Jack Burton dans les griffes du mandarin", ou encore "Golden Child: L'Enfant sacré du Tibet" de Michael Ritchie. La manière dont Mayart est assimilé par la prostituée dans La Cité Interdite rappelle une fois de plus The Thing. Même constat autour du filtre de couleurs employé. Un filtre conciliant le noir, bleue et le rouge rappellant beaucoup le filtre de couleur utilisé dans Prince des Ténèbres, encore de Carpenter. On retrouve également quelques références à la créature de Ridley Scott, mais aussi avec son approche érotique une vision propre à Cronenberg. Sachant que la spiderwoman est directement inspiré du folklore japonais. Une sacrée macédoine que nous délivre Yoshiaki Kawajiri.



CONCLUSION :



Wicked City, La Cité interdite est un anime vraiment particulier d'une maturité flagrante pourvu d'images épouvantables et insolites. Avec ce film, Yoshiaki Kawajiri signe un spectacle qui se démarque de tous, à ne surtout pas mettre entre les mains de n'importe qui. Une véritable plongée dans l'horreur dontbil est difficile de sortir intact. Un titre dans lequel le cinéaste révèle son amour pour l'oeuvre de John Carpenter.


Pour les fans du genre qui aimeraient replonger dans un tel univers, je conseille des titres comme : " Urotuskidoji la légende du démon", ou encore la saga "Doomed Mégalopolis".

B_Jérémy
9
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le 22 déc. 2018

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