Qu'est ce qui maintien soudés, affranchis, libres les êtres ? Quel est ce fil invisible qui rend une famille belle et unie avec un père épanoui dans son métier de psychanalyste qui écoute et tente de guérir les pires pathologies, une femme qu'on aime étreindre et des enfants qui sans êtres parfaits se trouvent aimants pour leurs parents ? Tout commence par une course, qui ne s'arrêtera jamais vraiment pour notre personnage principal.

Sur le papier, il a "tout pour être heureux", comme le veut la légende. Et puis papatatra. Il part trop vite au secours d'un patient qui ne raconte jamais rien d'autre que des rêves bancals ou ne parle que de mourir et qui tout à coup ne le veut plus, mourir. Alors tout s'écroule. La chute libre. L'éclatement. "Un seul être vous manque", et l'on ne supporte alors plus le chagrin de l'autre, on voudrait arrêter le temps, retourner en arrière. L'amour s'évade. La colère se déploie. Le psychanalyste ploie sous le poids de sa détresse jamais pathétique. Et voilà, que "tout est dépeuplé, que le fil invisible est rompu. Son métier ne l'intéresse plus. Il n'écoute plus, il revit en boucle ce qui n'est pas arrivé et qui aurait, peut-être, permis à son fils de vivre encore. Rien ne le sauve vraiment, encore moins le discours religieux qu'il se refuse à comprendre. C'est un peu comme du latin traduit par quelqu'un qui vient de fumer mais qui avait pourtant raison. Seule devant l'univers car isolée par la douleur que chaque membre ne peut partager, la famille est déchirée mais tente de le cacher pour continuer à avancer, à tâtons. Et la colère éclate en petits lambeaux à l'image de ces objets fêlés et rapidement réparés que recense le père dans la cuisine familiale

Mais, une toute petite et toute nouvelle rencontre, une excursion dans la chambre du fils, prouvera que l'équilibre même fragile peut revivre. C'est tout autant apaisée que meurtrie que l'on quitte cette famille amputée d'un membre. Mais, même fugace, la douceur fait que quand la caméra s'éloigne, sobre tout comme la mise en scène, c'est ensemble qu'elle les laisse s'évader. Quoi que le deuil ait fait, il y a toujours un espoir même fragile.

Ces trois là sont devenus des équilibristes qui déambulent entre la vie et la mort, inévitablement beaux dans leur tristesse qui est sublimée par Moretti. Délicat et brut, un superbe film, sans fioriture.
eloch

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