La Chaîne
7.3
La Chaîne

Film de Stanley Kramer (1958)

Ça faisait longtemps que j'avais envie de le voir celui-là. Un casting imparable, un pitch alléchant, une mise en scène à l'ancienne (normal, vu que ça date des années 50). Aujourd'hui on n'oserait plus trop faire des récits comme ça. J'exagère. Mais c'est pas loin de la réalité. Des récits aussi épurés et en même temps aussi couillus sur le fond.

"The defiant ones" est un film qui parle de racisme mais pas seulement. Et c'est bien ça qui fait sa force. Avant tout, ça parle d'une époque bien misérable, en plein déclin économique, ou chacun fait ce qu'il peut pour survivre. Et finalement, cette mise en scène du racisme n'est rien de moins qu'une des facettes de cette problèmatique plus large. Ce qui a pour conséquence qu'on ne tombe pas dans le message lourdingue qui bouffe toute l'histoire. D'ailleurs, nos héros vont rencontrer des personnages tout aussi intéressants, qui permettent de montrer que ce n'est simple pour personne. En fait il faut voir l'intrigue comme un récit initiatique, un road trip parsemé d'embûches. Enfin, les dialogues sont denses et très bons ; ils rythment l'histoire dans le sens où les ongs dialogues servent de digression par rapport à l'action principale. Tout d'un coup, contre toute attente, alors que nos deux larrons sont poursuivis, ils s'arrêtent et parlent d'eux, de leur personne. C'est totalement inapproprié et c'est pour ça que ça amrche. Au fond, les auteurs ne font jamais que jouer sur l'ellipse : c'est-à-dire que là où l'on aurait tendance à montrer le moins de bavardage possible et se concentrer sur une poursuite à la "The Fugitive", oné tire au contraire le temps entre deux mises en marche.

La mise en scène est très bien foutue. On a beau s'arrêter pour bavarder, il n'en reste pas moins une tension intenable tout au long du film ; le danger est omniprésent, il peut venir de tout et de rien : un village endormi, un gosse, de la boue, ... La caméra bouge bien. Stanley Kramer n'en fait pas trop, mais il dynamise son intrigue merveilleusement sans oublier de donner un sens plus métaphorique à ses cadrages, du moins dans la mesure du possible. Ça reste avant tout un très bon divertissement que l'on peut regarder sans trop réfléchir. Les acteurs sont immenses. D'abord rivaux, ensuite complices, la fin est idéale pour les deux compères.

Un dernier mot. L'on pourrait accuser les auteurs d'être un poil misogyne vu le rôle que tient la femme dans ce film. Mais ce serait dommage de coller une telle étiquette sur un film juste parce que la seule femme montrée n'est pas très valorisée. C'est un peu comme accuser les créateurs de Friends ou Lena Dunham d'être racistes parce qu'ils n'ont pas pensés à mettre ds figurants noirs dans leur série... D'aileurs c'est ridicule. QU'y a-t-il de plus raciste ? Quelqu'un qui prend les acteurs qu'il a sous le bras, ou quelqu'un qui se dit : ha il faut que j'ai mon côtat de noirs... enfin soit. Les interprétations peuvent parfois prendre le dessus de l'histoire pour lui faire le plus grand tort. Il est évident que certains auteurs sont conscients de tels choix (comme Lars Von Trier) mais après tout, n'est-on pas libre de penser ce que l'on veut ? Et même si nous n'en sommes pas conscients, cela gâche-t-il vraiment la narration ? Les auteurs avaient quelque chose à dire et ils l'ont dit. C'est ce qui compte je pense.

Bref, "The defiant ones" est un road movie très intéressant. D'une certaine manière, cette façon d'inspecter l'homme au plus profond de lui-même m'a rappelé "The naked prey", un autre film que j'apprécie tout particulièrement et que je recommande aussi chaudement que celui-ci.
Fatpooper
9
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le 29 nov. 2013

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2 j'aime

Fatpooper

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