La Chaîne
7.3
La Chaîne

Film de Stanley Kramer (1958)

Stanley Kramer fut un cinéaste (réalisateur et producteur) indépendant ce qui lui permit d'aborder des sujets qui fâchent comme le racisme dans "Devine qui vient diner" (1967) et "La chaine" (1958) mais aussi des sujets concernant les origines du fascisme dans "Jugement à Nuremberg" (1961). En tant que producteur il contribua à ce puissant film "Ouragan sur le Caine" (1954) qui concerne une mutinerie sur un navire de guerre.

Mais, pour l'heure, on ne va s'intéresser qu'à "la chaine" qui raconte l'évasion de deux prisonniers reliés solidement par une chaine. Le point particulier, c'est qu'un des prisonniers est noir et l'autre blanc. Comme l'affirme avec dédain le garde-chiourme qui a eu cette brillante idée "ils n'iront pas loin car ils vont s'entretuer". Et en effet, il se pouvait que ce fin psychologue eût raison tant les deux individus se haïssent. Mais voilà, c'est sans compter avec un Destin, pour une fois bienveillant, qui va faire que cette chaîne d'abord objet de discorde devienne peu à peu objet de concorde …

"Je ne t’ai pas sauvé, je t’ai empêché de me noyer" dit l'un des comparses à l'autre qui le remercie pour son aide après une traversée de rivière mouvementée. La haine est toujours présente mais on note un début de discussion et donc de reconnaissance.

Bien sûr, le sujet n'est pas nouveau, je ne dois pas avoir suffisamment de doigts pour compter les films qui évoquent ce genre d'aventure. Mais c'est égal, ce sont les messages sous-jacents qui comptent. Le plus important concerne la relation entre les deux hommes qui apprennent à se connaître, se découvrent, au fond, pas si différents et finissent par éprouver du respect et de l'amitié l'un pour l'autre

même (et surtout) une fois la chaine disparue.

Les autres messages du film sur le comportement agressif de certains policiers ou le désir de lynchage de certains villageois montrent que le réflexe primaire de certains hommes est (toujours) de profiter d'une position dominante pour assouvir leurs bas instincts.

Et justement, ce que j'aime dans ce film, c'est l'humanisme délibéré du cinéaste à travers les personnages du shérif et du villageois (Lon Chaney Jr) qui vont être capables de raisonner, non sans mal, leurs compatriotes et éviter de transformer la traque en une chasse à l'homme. Même si cela peut paraître très candide aujourd'hui…

Il n'empêche que Kramer ne tombe quand même pas dans l'illusion et la naïveté car la scène avec la femme (Cara Williams) montre à quel point toutes ces victoires sur la haine, le racisme ou l'intolérance peuvent s'avérer fragiles.

Le duo des évadés est joué magnifiquement par Tony Curtis qui voulait quitter ses rôles de beau gosse et sortait des "Vikings" et Sidney Poitier qu'on ne présente plus et qui a toujours des rôles qui marquent le spectateur. Le duo fonctionne à merveille et est très convaincant notamment dans leur haine réciproque qui va peu à peu se diluer.

J'aime beaucoup aussi ce vieux blues rocailleux et lancinant que ne cesse de chanter Sidney Poitier a cappella : "Long gone John from Bowlin Green" qui fut, d'après ce que j'ai trouvé sur internet, aussi joué et chanté par Louis Armstrong.

Film puissant et très dense qui marque le spectateur, qu'on peut voir et revoir sans se lasser et dont le dernier plan est absolument superbe.

"The Defiant Ones" !


JeanG55
8
Écrit par

Créée

le 22 août 2022

Critique lue 112 fois

8 j'aime

JeanG55

Écrit par

Critique lue 112 fois

8

D'autres avis sur La Chaîne

La Chaîne
Morrinson
7

« Your white face shines out like a full moon! »

En lisant le pitch d'un tel film, on peut craindre principalement une chose : un traitement trop prévisible dans sa métaphore de l'opposition entre Blancs et Noirs. Mais ce serait sans compter sur la...

le 17 janv. 2016

22 j'aime

8

La Chaîne
ludovic-50
8

Chaîne antiracisme

Noah et John sont deux prisonniers qui vont être transférés vers une nouvelle prison mais en chemin leur fourgon est victime d'un accident. Profitant de cette situation, il décide de s'évader mais...

le 7 déc. 2019

9 j'aime

La Chaîne
JeanG55
8

The Defiant Ones

Stanley Kramer fut un cinéaste (réalisateur et producteur) indépendant ce qui lui permit d'aborder des sujets qui fâchent comme le racisme dans "Devine qui vient diner" (1967) et "La chaine" (1958)...

le 22 août 2022

8 j'aime

Du même critique

La Mort aux trousses
JeanG55
9

La mort aux trousses

"La Mort aux trousses", c'est le film mythique, aux nombreuses scènes cultissimes. C'est le film qu'on voit à 14 ou 15 ans au cinéma ou à la télé et dont on sort très impressionné : vingt ou quarante...

le 3 nov. 2021

22 j'aime

19

L'Aventure de Mme Muir
JeanG55
10

The Ghost and Mrs Muir

Au départ de cette aventure, il y a un roman écrit par la romancière R.A. Dick en 1945 "le Fantôme et Mrs Muir". Peu après, Mankiewicz s'empare du sujet pour en faire un film. Le film reste très...

le 23 avr. 2022

21 j'aime

8

125, rue Montmartre
JeanG55
8

Quel cirque !

1959 c'est l'année de "125 rue Montmartre" de Grangier mais aussi des "400 coups" du sieur Truffaut qui dégoisait tant et plus sur le cinéma à la Grangier dans les "Cahiers". En attendant, quelques...

le 13 nov. 2021

21 j'aime

5