Il y a des films qui ont une sacrée histoire. Celui-ci en a une belle ou, du moins, une épatante. Censuré pendant trente ans en France, vainqueur du Lion d'or à Venise, tourné avec des acteurs non-professionnels (excepté Jean Martin issu du théatre), diffusé en 2003 au Pentagone (Les States venaient d'envahir l'Afghanistan, l'Irak n'allait pas tarder), repris dans la sélection officielle du festival de Cannes en 2004, c'est plutôt pas mal pour une seule oeuvre!


Gillo Pontecorvo, le réalisateur, est un homme assez méconnu. Il fut pourtant premier assistant d'Antonioni, Fellini,... Il est également compositeur (uniquement pour La bataille d'Alger), scénariste de quasiment tous ses films. Cinq pour être précis. Sans oublier une apparition comme acteur dans Stupids de John Landis (anecdotique au fond) et on peut se rendre que l'homme est assez touche-à-tout.


Mais revenons-en sur le film. Tout d'abord, j'aimerais comprendre pourquoi il fut censuré si longtemps. Certes, le réalisateur montre durant maximum deux minutes des scènes de torture opérées par les soldats français envers les Algériens. Mais bon, de là à en faire tout un foin... Sans oublier que Pontecorvo est un malin puisqu'il montre également la manipulation des journalistes par le colonel Mathieu (tous les moyens sont bons pour la France, il leur fait dire que la torture est nécessaire à la victoire) mais sans plus. Les Français ne sont peut-être pas toujours montrés sous leur meilleur jour, mais Pontecorvo, en brave homme, n'oublie pas de signaler que les Algériens n'étaient pas exempts de tout reproche.


Ainsi, les Algériens font exploser des bombes dans des emplacements publics tuant des innocents, etc. D'ailleurs, c'est bien simple, lorsqu'il y a des morts, le réalisateur italien ne fait pas de favoritisme. Ainsi il montre un enfant mort de chaque côté et met exactement la même musique. Pontecorvo s'exprimera ainsi: "Quel que soit le pays, la mort est toujours la même...". D'un point de vue technique, le transalpin se révèle être un excellent manieur de caméra. On y retrouve un fort aspect documentaire parfaitement maîtrisé, d'autant que le noir et blanc renforce cette impression. Un choix qui s'imposait pour ce dernier selon le réalisateur.


Mais le plus épatant reste les acteurs. Excepté Jean Martin, comme dit plus haut, tous sont des amateurs, des personnes recrutées dans la rue quasiment. Et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'ils se débrouillent très bien (c'est un peu le Vol 93 des années 60). Particulièrement Brahim Haggiag, parfait dans le rôle d'Ali La Pointe, l'un des chefs du FLN. Jean Martin, quant à lui, fait une interprétation plus que bonne et a dû pas mal apporter de son expérience pour les autres acteurs.


Enfin, un dernier mot sur la composition signée Pontecorvo mais également Ennio Morricone. Loin d'être la meilleure Bande Originale qui m'ait été donné d'entendre, celle-ci est frénétique par moment, dramatique dans d'autres.


Un film injustement méconnu car il regorge vraiment de grosses qualités tant au niveau de la réalisation, du scénario ou encore des acteurs. Un film efficace, qui conserve une objectivité grâce au fait qu'il ait été écrit par un Italien (Pontecorvo voulait déjà réaliser ce film durant la guerre d'Algérie). A découvrir!

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le 6 mai 2011

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