Delon a toujours eu soif de respectabilité et de reconnaissance; il aimait jouer les notables, les professions libérales. Je ne l'ai jamais trouvé crédible dans ces rôles-là. Delon n'est pas un bourgeois de naissance et ça se sent, ça se voit, ça s'entend. Au cinéma, il a été crédible en militaire, en voyou, en petit patron qui s'est fait lui-même, en nouveau riche, en aventurier mais pas en bourgeois et encore moins en professeur en médecine de haut niveau (à noter qu'on a eu Gabin en ingénieur en aéronautique et c'était quelque chose aussi).
Pourtant Delon est une nouvelle fois médecin; un grand médecin bien sûr, un professeur en gynécologie de renommée internationale officiant dans une clinique de grand standing. Un jour, dans une des chambres de la clinique, il est troublé par la grâce d'une jeune beauté en sommeil tenant un petit ours en peluche dans sa main. Donc, sans la réveiller totalement, comme aurait fait tout homme normal, il la caresse puis la saute doucement, sans la réveiller totalement, mais avec suffisamment de talent pour que la demoiselle en soit marquée à tel point que sa vie ne tourne ensuite plus qu'autour de cette découverte de l'amour (je n'exagère pas). Après le trouble devant l'innocence, l'homme brillant étant aussitôt redevenu lui-même, c'est-à-dire indifférent (et même amnésique), la jeune amoureuse se suicide.
Le film ressemble à Delon tel qu'on l'a vu et revu, de plus en plus suffisant et caricature de lui-même. Impossible d'avoir la moindre compassion pour son personnage. A sa décharge, il est dit, dans le film, que le personnage est un égocentrique total (pour cela, je laisse deux étoiles). Même les personnages féminins secondaires sont stéréotypés ou sans consistance. Toutes les femmes aiment ce type pourtant si peu aimable et tellement pris par sa carrière. Et qu'apporte Madeleine Robinson (dont on a de bons souvenirs), qui joue s mère, dans cette petite scène de casino? Elle aurait dû marquer simplement la solitude de l'homme riche et célèbre mais Delon est trop fermé, on ne ressent pas une prise de conscience du vide affectif de sa vie. Et la fin, je ne la dévoile pas, mais personne ne peut être convaincu de sa vraisemblance.
S'il s'était agi d'un film policier rapide et efficace, tout ça aurait peut-être pu passer. Mais il s'agit, d'après son rythme, d'un drame psychologique (sans rire). Il faudrait lire le roman de Simenon dont il est l'adaptation; l'intrigue et fond présentent bien des différences avec le scénario du film (à la lecture du résumé de Wikipedia). On pourrait alors essayer d'imaginer un film avec un autre acteur et aussi un autre réalisateur car, là, on s'ennuie ferme.
Mon commentaire ne résulte pas d'un parti pris contre l'acteur. Non seulement j'ai beaucoup aimé nombre des films qu'il a tournés et même réalisés, mais j'estime qu'il a été souvent artistiquement ambitieux en travaillant avec de vrais auteurs comme Alain Cavalier, Joseph Losey, Bertrand Blier sans sécurité pour son image et sa carrière (au contraire de Belmondo qui n'a jamais pris de risques).
Mais, là, il s'agit simplement d'une erreur.
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le 7 févr. 2015

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