Voilà un Jacquot sous grande influence Rivettienne. La femme, le théâtre, le corps. L’intouchable est un portrait de femme sidérant (avec une Isild Le Besco non moins hallucinante et habitée) et une envoutante quête identitaire entre les répétitions sur les planches de Saint Jeanne des Abattoirs de Brecht, mis en scène par son amant et un voyage onirique en terre étrangère dans un Delhi foisonnant. Cette deuxième partie de film est, de ce que j’ai pu voir dans le cinéma de Jacquot jusque maintenant, ce qu’il aura réussi de plus beau à ce jour, sorte de lâché prise total, de glissement sublime. Je pense que ça ne tient qu’à un regard, celui d’un auteur calé sur celui de son personnage central, qui jusqu’ici occupait pleinement le cadre mais s’y dérobe complètement dorénavant. On a parfois même l’impression qu’elle n’entrera jamais dans les plans – souvent aériens, interminables – contrairement au début, à Paris, où c’est elle qui fait le plan et où ceux-ci se brisent nets ou s’étirent pour signifier l’imminence d’une rupture. C’est une initiation partagé. Un voyage magnifique vers une Inde inconnue, dépouillée de son habituel attirail touristique – une plongée magnétique dans son quotidien tumultueux puis dans un mariage céleste. Ce décalage entre le réel et le fantasme se conjugue à celui construisant la conscience de Jeanne, en perdition, via un double dialogue en voix off – au début puis à la fin, avec son amant – complètement désynchronisés de l’action – que l’on verra ou que l’on anticipera. Le corps prend ici valeur de fuite pour contrer sa valeur marchande : Ce corps que l’on masse, supplantant les maquillages à n’en plus finir des plateaux ou mis en lumière festive à l’opposé de celui d’abord utilisé pour les besoins d’un film érotique – qui permit à Jeanne de se payer ce voyage. Ce corps qui était, dixit les mots de la mère dans une première séquence très intense, le seul moyen de langage avec ce père hindou inconnu, que Jeanne voudra connaître. Ce corps que l’on caressera de l’œil dans une filature géniale entre Delhi et Bénarès.
JanosValuska
8
Écrit par

Créée

le 24 oct. 2014

Critique lue 616 fois

JanosValuska

Écrit par

Critique lue 616 fois

Du même critique

Titane
JanosValuska
5

The messy demon.

Quand Grave est sorti il y a quatre ans, ça m’avait enthousiasmé. Non pas que le film soit  parfait, loin de là, mais ça faisait tellement de bien de voir un premier film aussi intense...

le 24 juil. 2021

31 j'aime

5

La Maison des bois
JanosValuska
10

My childhood.

J’ai cette belle sensation que le film ne me quittera jamais, qu’il est déjà bien ancré dans ma mémoire, que je me souviendrai de cette maison, ce village, ce petit garçon pour toujours. J’ai...

le 21 nov. 2014

31 j'aime

5

Le Convoi de la peur
JanosValuska
10

Ensorcelés.

Il est certain que ce n’est pas le film qui me fera aimer Star Wars. Je n’ai jamais eu de grande estime pour la saga culte alors quand j’apprends que les deux films sont sortis en même temps en salle...

le 10 déc. 2013

27 j'aime

6