B(o)uzz médiatique

Voilà donc l’objet de tout ce remou médiatique, LE film événement de cette fin d’année 2014, presque involontairement incontournable, pas la peine d’expliquer l’affaire tellement on ne peut être passé à côté, "The Interview" atterri donc sur le net, et nous brave public on se jette dessus comme des couillons en espérant y trouver une oeuvre jouissive et subversive … Résultat des courses : une blague, une mauvaise blague, une blague de mauvais goût, ce film est franchement une énigme, Sony a risqué sa réputation pour ça ? J’ai du mal à y croire, j’ai comme l’impression que ce que j’osais imaginer soit une réalité, je garde dans un coin de ma tête l’hypothèse du canular organisé.

Car en fin de compte "The Interview" a pour but de dénoncer la manipulation des médias et leur impact sur la société, ça serait cohérent avec leur démarche d’en faire un canular, et vu le succès en nombre de téléchargement et piratage dans le monde on pourrait dire que ça a marché, après il y a aussi des enjeux économiques, le budget est tout de même de plus de 40 millions de dollars sans compter la campagne de promotion qui est quasiment équivalente, pas sûr qu’ils amortissent les coûts. Bref, à mes yeux ça n'est qu'un immense coup de pub.
Deuxième film en tant que réalisateur pour Seth Rogen accompagné de Evan Goldberg après le plutôt fun "This is the End", ici les deux lurons s’attaquent à du lourd, pondre un scénario sur l’assassinat du leader nord coréen Kim Jung-un en prétextant une interview. Partant de cette idée franchement pourquoi pas, le faire en une sorte de docu-fiction en gardant l’humour qui a fonctionné dans leur précédent film ça pouvait donner un truc sympa …
Mais non, Rogen & Goldberg se contentent de pasticher le tout au maximum du début à la fin en voulant jouer la carte du total fun décomplexé, on comprend l’entreprise dès le début avec le cameo d’Eminem, la surmédiatisation, les réseaux sociaux, l’influence, etc. James Franco campe le rôle de David Skylark, un présentateur de talk show célèbre pour ses interviews vérité, suite à un attentat du jour au lendemain il est contacté par la Corée du Nord pour organiser un rendez vous entre son collaborateur Aaron (Seth Rogen) et Kim Jung-un, la CIA va ensuite les aborder pour commanditer le meurtre du dictateur. Partant même du principe que ce long métrage se veut être rendu au second voir troisième degré je ne l’ai tout simplement pas compris, quel est vraiment le projet là ? Pousser le ridicule au maximum pour rire de l’amplitude du vide laissé ? Parce que là tout est prétexte à s’arracher les cheveux, Franco est purement insupportable à en faire des caisses, il a beau gesticuler dans tous les sens à débiter des salaceries il ne fait pas rire, on valide encore ce genre d’humour lourdingue de nos jours ou bien ? Et il n’y a pas que lui, les situations aussi, le film en regorge, en recrache, en régurgite, en chie ! Y’en a partout ! Pour tout dire je n’ai souri qu’une seule fois en presque 2h pour une scène en particulier, celle du tigre, qui pour le coup parodie bien les codes du film d’espionnage avec son suspense. Autre atout, la présence pleine de charme de Lizzy Caplan, qui même si elle n’est pas crédible une seconde en agent de la CIA propose au moins son joli minois, autant profiter de quelque chose.

Parce que tout le reste est en plus purement et totalement attendu, c’est d’une prévisibilité incroyable, la relation Skylark - Kim Jung-un on comprend qu’elle va basculer, et le charisme du dictateur est bousillé à l’instant où l’acteur qui joue son rôle (Randall Park) entre en scène, il n’inspire rien du tout, le détournement est bien trop potache, il aurait fallu jouer avec l’identité des protagonistes, rendre un minimum de fidélité, on parle tout de même d’un type froid et sans scrupules, lui montrer ses failles dès le début avec cette sorte de coolitude débile ça fout tout en l’air, ça va trop loin niveau connerie dans l’écriture, rien n’est nuancé, c’est pas du boulot. Du coup le ton décalé ne fonctionne quasiment jamais, la bande son est en plus bien souvent à la ramasse (du Hooverphonic lors de l’entrée au temple ? Sérieux ?).
Dans la dernière partie tout s’enchaîne très vite, le couple entre Aaron et la conseillère nord-coréenne c’est pipeau 2000, les exagérations d’hémoglobines lors de la scène de la régie c’est du n’importe quoi, la séquence de l’hélico en slow-motion aurait pu être cool par contre, mais annihilée par cette morale baveuse et ces effets de manche se multipliant précédemment.
Le message du film est quand même d’une niaiserie absolue, la démocratie a vaincue la méchante dictature en un revers de main grâce au support média, les USA ont fait plier et mis à genoux Kim Jung-un izi forçant un coup d’état où une femme est à la tête du pays (qui ça déjà ? Ah oui celle qui faisait sa chiennasse à se faire dégrafer le soutif avec les dents, comment ai je pu oublier), tout est très vite raccourci pour nous balancer les crédits à la gueule, merci au revoir … Blurp ! C’est pas sérieux, j’ai du mal à croire que quelqu’un de censé puisse prendre réellement son pied devant ce genre de spectacle, c’est lourdingue, con et beauf, mais je serais forcé d’entendre et de me taire face à ce fameux argument massue du "chacun ses gouts", ou bien le cultissime "il en faut pour tout le monde", obligé.

Donc tout ça pour ça ? Franchement je n’en reviens pas, "The Interview" est un pschitt médiatique assez incroyable, encore le format aurait été un documentaire acerbe et vitriolé à la Michael Moore j’aurais compris le bordel et la censure imposée, le buzz pouvait être d’une certaine utilité, qu’ici le projet est nul de A à Z, à la limite Rogen & Goldberg en ne rendant pas le personnage fictif ont bien eu conscience du coup qu’ils pouvaient créer, ils savaient ce qu’ils faisaient, les gens crédules crieront au génie ce putain de troll ridicule en brandissant l’éternelle liberté d’expression, mais ce n’est ni un message avisé ni une tentative couillue de bousculer les consciences via l’outil d’internet, on a vraiment la société débilisante qu’on mérite, au secours …