Je me savais d'avance charmée par ce film et sa beauté toute inouïe, mais je ne m'attendais pas à autant de matière splendide.
Je chéris de tout mon coeur le cinéma israélien, qui en dépit de toute l'atmosphère politique terne et insipide qui peut y régner, certaines bouffées d'amour et d'humanité réussissent encore à s'exporter.
Elles témoignent de la magie, de cette douce plénitude qui, si on fouille un peu plus bas, en dessous des nuages poussiéreux et vestiges d'une guerre sans fin et désolante, la paix, toute simple, subsiste encore. Et Dieu merci, il existe toujours des personnes qui ont encore le courage de l'exprimer.
L'Institutrice n'est pas seulement magnifique, elle initie à l'apprentissage ; l'apprentissage de l'observation, des belles choses, de la force des mots.
Nira, sous le charme et la dévotion complète devant ce don divin de petit Yoav explore avec délectation, si ce n'est obsession ce bien-être nécessaire, cet Art complet beaucoup trop négligé de nos jours par la société qu'est la poésie. L'élève de 5 ans est le maître, autodidacte modeste devant l'Instit, qui notant au débit même de la parole du petit garçon, demeure toujours haletante, frissonnante, peureuse de manquer la moindre phrase, le moindre mot.
Ce petit être de Yoav est comme une source éphémère, déversant ce qu'il a à dire sur le moment, d'une seule traite, dans une spontanéité merveilleuse, chaque mot n'étant énoncé qu'une seule fois avant de disparaître dans un monde qui ne veut pas de son talent, qui ne souhaitera jamais de toute évidence le fruit goûteux de ce don.
On "voit" les mots, on ressent cette envie inévitable monter, lorsqu'il fait les cent pas avant de commencer à réciter, son corps et esprit n'étant plus qu'habilité à attendre que ça sorte, comme une envie de vomir, en soumission totale, le poème est déjà formé, il a germé dans un si petit être, en une poignée de minutes, ou peut-être même de secondes, dans une force douce, ferme, implacable. Juste avant de s'ouvrir comme une fleur et d'exposer au monde, dans un désir d'offrir innocent et désintéressé son parfum, son message, dans une douceur exquise...
L'Institutrice comprend très bien que cette sensibilité plus que fragile doit être protégée à tout prix, à fortiori face à un père ne désirant pas porter attention au talent palpable et bien installé, grandissant dans sa progéniture.
Le scénario sera donc bien prévisible.
La caméra est quant à elle parfaite. C'est à dire qu'elle ne se suffit même plus à elle même, ce n'est pas seulement elle qui va à la rencontre des autres pour les observer, tapie dans l'ombre, mais bien les autres qui n'hésitent pas à aller vers elle, quitte à la cogner littéralement, et manquer de la faire chanceler, au sens propre du terme.
La beauté, la force du message à faire passer sont réels, ils ne cessent de clamer leur présence, ils prennent possessions de tous ces personnages et cherchent votre contact, un souvenir frontal et concret, droit dans vos yeux, pour ne pas qu'on les oublie.
Un grand chapeau bas à cet enfant prometteur, plus que prometteur pour sa sensibilité pure et unique, sa novice intelligence. On ne voudrait presque pas qu'ils grandissent, lui et tous ses acolytes du même âge, qui nous prouvent bien que la vérité de l'existence s'exprime et s'étend totalement durant l'enfance.
Après cela, elle s'échappe et se cache, constamment.
Combien parmi nous, adultes, ont réussit à la retrouver ?