Parfait

« L'île nue » est très certainement le film le plus beau que j'ai vu. Le plus beau formellement, esthétiquement, c'est-à-dire que la beauté de la réalisation transcende même celle des choses qu'elle nous montre.

Les vingt premières minutes m'ont interrogée. Impossible de dire si j'aimais ou non. La lenteur des plans agace un peu mais l'on s'en détache malgré nous, portés par le film comme l'eau sur les épaules des personnages. Puis l'on se rend compte que depuis le début, les cadrages sont absolument fabuleux. Et là, une scène clé entre en jeu. Je reprendrai l'expression de Drelium tout à fait adéquate à ma vision du film : « la claque au sens propre comme au figuré ». Cette scène secoue et nous réveille.

La suite du film, ne fut pour moi qu'une succession de soupirs intérieurs face au crescendo des plans tous plus sublimes les uns que les autres. Jusqu'à un point où j'en ai pleuré. J'ai compté, « L'île nue » contient deux plans assez bons, 15 vraiment superbes et le reste n'est qu'un enchaînement de perfection visuelle et sensorielle. Bien sûr, ce que Shindo nous montre est également vraiment intéressant et poignant, à travers l'histoire de cette famille de paysans qui cultive des champs arides sur son île désolée. Le film est d'ailleurs un superbe hommage au travail des champs, pénible, méticuleux et vital.

Mais pour ma part, c'est surtout cette magie (aucun autre mot possible) qui transpire de la caméra de Shindo qui m'a marquée. Aucun plan n'est de trop. Malgré l'application qu'a le réalisateur à nous montrer des gens qui travaillent et qui souffrent, il reste une sensation d'indolence après le film. Sans doute due à la musique magnifique et au son de la mer, rassurante et implacable, qui, comme la vie, se fiche bien que le malheur vienne frapper à notre porte.
Elle continuera, inlassablement, à venir s'écraser contre les rochers dans son ressac incessant.