Douglas Fairbanks en coach de développement personnel

Douglas Fairbanks a été un peu méprisé voire oublié, mais il a été l’un des plus grands acteurs des débuts du cinéma américain. Il était l’égal de Charlie Chaplin, avec qui il avait fondé l’United Artists en 1919. S’il est plus connu pour ses films de cape et d’épée, un genre qui a bien vieilli, il a joué dans de nombreuses autres productions. Et un film tel que celui-ci a admirablement bien traversé le siècle.


Le film a beau être réalisé par John Emerson, Douglas Fairbanks a co-écrit le scénario, l’a produit et joue le rôle principal. C’est un film de Douglas Fairbanks, presque pour Douglas Fairbanks, tant on y trouve beaucoup de sa personnalité.


Il y campe Billy Gainor. Billy est ami depuis l’enfance avec Ethel Forsithe. Lui est volontaire, sportif, elle est un peu décalée, un peu snob. Quand il la demande en mariage et qu’elle refuse Billy décide d’explorer le monde. Elle enchaîne fêtes sur fêtes avec son fiancé, Charles Riddles. Elle s’épuise d’ennui et de fous et faux divertissements. Elle finit par être envoyée dans un sanatorium, peuplé de riches oisifs, souffrants de nombreux problèmes, tels que l’alcool, un foie malade, ou une hypocondrie déraisonnable. Billy a vent de la nouvelle et s’en va la rejoindre. Mais quand il découvre le lieu et ses occupants, il décide de racheter le petit commerce. Il les emmène alors en balade, organisant une petite supercherie pour leur faire retrouver la santé.


Le portrait de la bourgeoisie de l’époque n’est guère flatteur. Il le dit à une des patientes « votre problème à vous, c’est que vous n’avez jamais travaillé ». Ils ont quand même des chouettes fêtes, celle du début avec la fontaine à champagne et les danseuses sur la table, c’est de la luxure comme on en rêve. Mais c’est la classe supérieure qui s’ennuie, qui méprise Billy, qui est sûre de ce qu’elle fait et qui se laisse emporter dans les problèmes qu’elle se crée, c’est ce que dit le film.


Puisque c’est ce que dit Billy. Bien qu’il va les tourner un peu en ridicule, et leur démontrer leur inadéquation à la vraie vie, celle qui permet de se faire un toit, de se trouver un toit, de s’organiser, il va aussi leur montrer comment le faire. Et ainsi faire disparaître leurs problèmes psychosomatiques. Douglas Fairbanks est l’apôtre de l’organisation, de la vie saine, de l’exercice. Quand on connaît ses performances athlétiques, rien de surprenant que de le voir présenter tel mode de vie.


C’est d’autant plus appréciable que le film utilise la comédie. L'île du salut n’abuse pas du burlesque, des corps sans ficelle. Quand il l’utilise c’est pour une scène de sports, si on peut dire, d’exception. Son humour repose avant tout sur la moquerie, pour pointer du doigt les travers des personnes malades. Il le fait avec le sourire habituel de Douglas Fairbanks, sans verser dans la caricature, avec une ironie malgré tout bienveillante.


Il n’y a que le personnage du rival de Billy qui ne peut pas obtenir sa rédemption, il respire la fourberie. Les airs penauds de Charles K. Gerrard ne durent pas, il y a du défi et de la jalousie dans le regard troublant de l’acteur, l’un des meilleurs seconds rôles du cinéma de cette époque. Eileen Percy est la jeune femme un peu désœuvrée, peu reconnaissante. C’est son premier rôle au cinéma, et elle joue très bien le mal-être snob, la prétention par défaut, que Douglas va remettre dans le droit chemin.


Douglas Fairbanks règle-t’il quelques comptes ? C’est probable. Faut-il voir le passéisme des élites américaines en pleine guerre mondiale, l’acteur star ayant milité pour que les États-Unis y interviennent ? Faut-il l’interpréter comme un manifeste d’indépendance de Fairbanks, alors que les studios de cinéma tentent de contenir ses ambitions et ses prétentions salariales ? Il y a assurément un pied-de-nez dedans, dont on ne perçoit peut-être pas toutes les subtilités. C’est ce qui fait aussi son charme, peu de comédies de cette époque chatouillent l’ordre établi et surtout le mal-être des élites américaines. C’est avec révérence, avec une certaine gentillesse à l’image du célèbre sourire de Douglas Fairbanks. Mais derrière la galerie de personnages loufoques il y a des hommes et des femmes riches avec plein de problèmes qui se révèlent être accessoires. Dans le film ou encore maintenant.

SimplySmackkk
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le 2 févr. 2020

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