« Quand on n'arrive plus à respirer, on éclate les vitres ! »

Premier fim de Bertrand Tavernier, à peine 31 ans à l'époque, L'Horloger de Saint-Paul suit l'histoire de Michel Descombes, lorsque la police apprend à ce petit commerçant lyonnais que son fils est un assassin en cavale...

On ne peut pas comprendre L'Horloger de Saint-Paul si on ne sait pas que Tavernier détestait, haïssait ces années 1970 qu'il dépeint ici. Tout le film n'est qu'un immense portrait au vitriol d'une époque au bord du gouffre : les flics n'en ont rien à cirer, les journalistes sont des pourris, les patrons emploient d'anciens paras d'Algérie pour faire régner l'ordre dans les usines, les avocats sont des ordures, l'ORTF est complice du pouvoir réactionnaire, et les gens sont cons. Bref, comme un des personnages le résume tout à la fin : « on étouffe dans ce putain de pays ! ... »

Contre cette époque invivable, il y a l'humanité de Philippe Noiret qui joue un somptueux Michel Descombes, petit horloger dépassé par les événements, et qui se rend compte qu'il ne connait rien de son fils. Tavernier explique dans une interview qu'avec les scénaristes, ils ont voulu faire de ce personnage « un solitaire, mais au coeur de la foule, au milieu de ses copains ». La performance réservée et hésitante de Philippe Noiret est formidable. A ses côtés, Jean Rochefort, excellent dans le rôle d'un flic incertain, rongé en silence par ses propres problèmes (qui ne sont que suggérés...).

L'Horloger de Saint-Paul est un film violemment engagé, très ancré dans son époque ... et il a donc horriblement vieilli, à le revoir aujourd'hui, on a du mal à comprendre les tensions qui se nouent autour des gauchistes, des scores électoraux de l'UDR, des paras d'Algérie et des anciens combattants d'Indochine. Tout le film est baigné d'une ambiance glaciale, et traversé par des personnages plus minables les uns que les autres : on ne prend pas plaisir à voir cette photographie d'une époque sale, mais au moins il faut reconnaître que Tavernier a du mordant.

A revoir pour humer le parfum d'une époque houleuse. Sans surprise, ce film est dédié par Bertrand Tavernier à Jacques Prévert.
Wakapou
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le 9 juin 2013

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