Harry Houdini n’a pas été que le maître des illusions, créant les plus incroyables tours, déjouant les plus belles supercheries. Il s’est aussi intéressé à un art encore balbutiant, mais déjà passé maître dans l’art de faire croire au spectateur ce qu’il voulait : le cinéma.


Non seulement il apparut dans quelques sérials, les ancêtres des séries télévisées, mais il avait aussi monté sa propre société de production, Houdini Picture Corporation. Pour L’Homme de l’au-delà, Houdini n’a pas seulement le rôle titre, il a aussi écrit le script, repris par Coolidge Streeter. L’idée lui est venue à la lecture d’un article racontant la découverte dans l’Arctique du corps d’un Viking en parfait état.


Le viking passe à la trappe dans le scénario de ce film mais il y a bien une expédition scientifique qui découvre un bateau pris dans les glaces en Arctique. Le journal de bord révèle qu’il est là depuis une centaine d’années. Mais il y a aussi un homme, pris dans la glace, Howard Hillary. Il va être réveillé, et l’époque actuelle cachée, pour mieux en faire la révélation à la presse. Le film prend une nouvelle tournure quand il va rencontrer une jeune femme, Felice, dont il est convaincu qu’il s’agit de sa fiancée du siècle précédent.


Tour à tour considéré comme exploit scientifique, fou dangereux puis dernier espoir d’une jeune femme, le personnage de Howard Hillary surprend. Après autant de visionnages d’Hibernatus, qui semble lui avoir piqué quelques idées, il serait attendu qu’Howard se sente décalé, découvre un monde qu’il ne comprend pas. Au contraire, il s’y fond assez bien, en déjouant les péripéties qui lui sont proposées, sans s’interroger sur les avancées technologiques ou autres éléments. Ce n’est pas l’ambition du film, qui est celle de raconter une histoire d’amour.


Harry Houdini était passionné de spiritisme, et cela se ressent dans le film. Si Howard semble si naïvement sortir de son long sommeil, il est suggéré plus tard que c’est grâce à l’esprit, le pouvoir de la réincarnation. Il explique aussi l’attirance entre Howard et Felice, puisqu’elle est bien entendue la petite fille de sa fiancée perdue. Leur amour est plus fort que leurs corps.


Et c’est finalement assez mélancolique, sans verser dans la miévrerie, dans l’éloge des beaux sentiments. Le film est pensé comme un divertissement, avec un certain nombre de péripéties qui assoient la réputation de maître de l’illusion d’Houdini, mais aussi d’un certain tempérament d’aventurier. La scène finale dans les chûtes de Niagara a plus de cent ans, et elle impressionne encore.


Le film n’a d’ailleurs pas trop mal vieilli, et se porte même plutôt bien. Outre certaines cascades périlleuses, il possède aussi un certain nombre de plans assez réussis. Il use beaucoup de flashbacks dans sa première partie, pour découvrir ce qui est arrivé à Howard, assez bien répartis. Selon l'instructive page Wikipedia que je vous invite à lire concernant ce procédé, les films de cette époque abusaient de ce qui était alors un effet de mode. Mais dans le cas présent, ils permettent de s’intéresser au sort du personnage principal. La deuxième partie peine un peu plus, avec cette histoire du père à sauver de Felice, enlevé par son précédent prétendant, qui va accuser Howard, le film s'accélère, perd un peu de son âme et et on s’y perd un peu.


Harry Houdini n’avait pas un physique de cinéma, pour l’époque. Mais sa candeur semble se confondre avec celui de son personnage, le rendant plus proche de nous, et nous de ses ennuis. Dans le rôle de son amour, il a choisi Jane Connelly, la quarantaine sage mais toujours envoûtante, un choix curieux à l’époque des starlettes et autres jeunes stars de cinéma. C’était la femme d’un autre des acteurs, mais il semblerait, pour la petite histoire, que Houdini ait crée une photographie composée de fragments de médiums pour se donner une idée de la personne qu’il voulait, Jane Connelly semblant lui correspondre. Ne l’oublions pas, le film parle de psychisme et de réincarnation. Hélas, Jane Connelly connaîtra une carrière au cinéma limitée à ce film, avant de mourir en 1925.


Malgré tous les défauts qui pourraient lui être trouvés, L’Homme de l’au-delà conserve une impressionnante jeunesse. Pensé comme un divertissement, il s’élève pourtant grâce à son sens du découpage, pour un spectacle toujours présent, et une histoire d’amour joliment présentée, grâce à son angle spirituel, l’amour plus fort que le temps. Le film porte l’empreinte d’Houdini, et comme lui, ne considére pas son public avec dédain.


Le film a été visionné depuis l’édition DVD de Bach films, la qualité visuelle est bonne, les bonus sont peu nombreux mais intéressants, avec un documentaire (un peu vieux) sur Houdini par Roland Lacourbe et un spectacle d’un autre grand nom de l’illusion américaine, Blackstone. Plus important, l’édition propose un CD audio de la musique du film, composée par Panama Hammer Jammers. Composée pour l’occasion, les arrangements modernes entre folk et électro surprennent, mais se fondent pourtant avec plus d’aisance qu’on aurait pu le croire au départ.

SimplySmackkk
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le 8 déc. 2019

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