Un western dramatique d'Edward Dmytryk avec Henry Fonda-Anthony Quinn-Richard Widmark

Troisième W de mon cycle western 2023, « L'Homme aux colts d'or » est passé sous mes yeux et mes oreilles. Mes cendres ne se sont pas encore envolées, un saloon peut s'ouvrir... .

La version que je viens de voir est celle que j'ai enregistré sur C8 l'année dernière (version cinéma raccourcie). Mon père m'a, en effet, dit que dans la version longue, il y avait une séquence avec Henry Fonda qui nous faisait découvrir ses colts en or dans une mallette.

Quelle est la version courte, la version cinéma ou la director's cut, peu importe, du moment qu'Henry Fonda nous galvanise grâce à son regard... .


De ce film, je peux dire qu'il s'agit d'un western bavard. Je m'attendais à davantage de fusillades.


Synopsis : une bande de pillards font systématiquement irruption à Warlock pour lyncher les shérifs et autres représentants de la loi. Lorsque le comité des citoyens décident d'engager une fine gâchette reconnu de tous (un prévôt), c'est tout leur microcosme et leurs habitudes qui vont s'ébranler. Et Warlock de changer de visage... .


« L'homme aux colts d'or » est un western qui fait démodé car il utilise les ressorts d'une intrigue à l'issue dramatique (la présence des femmes fait avancer l'intrigue : c'est ici un procédé unique car jamais les femmes n'ont de rôles aussi important dans une histoire, qui de plus, ici, un western). D'habitude, les codes usuels sur la vengeance, et non sur l'amitié et l'amour, sont mis en avant.

La présence de femmes dans l'histoire ne m'a pas permis pas d'être dans un western pur jus mais bien dans un western doté d'un certain sens de l'humanisme : j'ai été désarçonné par ce point, il est vrai !

« Je crois en l'esprit saint, ... ».

En cela, les scènes finales sont impromptues et totalement extravagantes. Du jamais vu !

La fin, qui aurait dû durer cinq minutes, s'étire sur une demie-heure qui n'arrête pas de nous interpeller allant de rebondissements en rebondissements, à l'image de l'intrigue principale qui s'attarde beaucoup trop sur des personnages secondaires (et des bavardages incessants qui deviennent pompeux) au lieu de nous faire part de chevauchées et de pillages plus durs et âpres les uns que les autres.

Nous avons ainsi affaire à un scénario -de Robert Alan Arthur, scénariste sur le « Grand prix » de Frankenheimer- riche et construit avec abnégation mais qui possède, pour ma part, trop de longueurs et de largesses.


Heureusement que « L'homme aux colts d'or » possède ce casting trois étoiles et qu'il s'agit d'acteurs qui arrivent à s'imposer face caméra.

Le trio d'enfer Fonda-Quinn-Widmark comble un scénario fort alambiqué de part leur présence scénique toujours impeccable.

Que serait ce western sans eux ??


Henry Fonda (figure mythique du septième art : « Les raisins de la colère », « La poursuite infernale », « 12 hommes en colère », « Tempête à Washington », « La bataille des Ardennes », « Mon nom est personne », « La maison du lac »), que j'ai vraiment découvert dans « Il était une fois dans l'Ouest », m'a paru bien loin de ce personnage de prévôt que je pensais davantage penché sur la bouteille et le revolver que sur son sens moral et de la pieuse justice.

J'ai découvert un Henry Fonda proche des valeurs américaines traditionnelles (travailleur, défenseur des opprimés) que sur son personnage de tueur sanguinaire qui nous est présenté dès le début.

Du coup, j'ai été très étonné de son interprétation en total décalage avec la stature de tueur qui nous était présenté dès les premières minutes.

Il n'empêche, Henry Fonda assure un max dans ce rôle de défenseur de la liberté, pacificateur. Un très beau rôle à la hauteur de son talent !

Je rengaine mon revolver et je le ressors pour cibler un quelconque Yul Brynner, Charles Bronson ou un Eli Wallach. Encore merci Henry Fonda !

Anthony Quinn (oscarisé -par deux fois !- du meilleur second rôle pour « Viva Zapata ! » et « La vie passionnée de Vincent Van Gogh », il a forgé sa légende grâce à des rôles de prédilection -Crazy Horse dans « La charge fantastique », Zampano dans « La strada »- et de premier rang -Attila, Quasimodo, Barrabas, Zorba, Don Angelo-) apporte la consistance et le second rôle par excellence dont avait besoin « L'homme au colts d'or » pour exister. Encore merci Anthony Quinn de votre belle interprétation de soûlard/tueur de service. J'en redemande !


Richard Widmark, -si Hollywood lui ouvre les portes de la gloire grâce à ses débuts tonitruants dans « Le carrefour de la mort », il traîne sa carcasse sur des films jugés cultes aujourd'hui : « La porte s'ouvre », « La dernière caravane », « Les deux cavaliers », « Alamo », « Jugement à Nuremberg », « La théorie des dominos »-, quant à lui, est superbe de retenue dans un rôle certes ambigu mais sa belle gueule et sa prestance m'a fait oublier les longueurs du scénario. Tous mes chapeaux !, Monsieur Widmark.


Pour parler mise en scène, elle est tantôt appuyée tantôt sortie d'une pétoire mal calibrée.

La réalisation d'Edward Dmytryk est tout d'abord mollassonne et impersonnelle tout comme l'est la musique du pourtant compositeur Leigh Harline (c'est grâce à lui si les musiques Disney sont aujourd'hui ce qu'elles sont : il a écrit pour les premiers Disney, « Blanche-Neige » et « Pinocchio », rien que ça !! Après la 2nde Guerre Mondiale, il a composé pour Nicholas Ray sur « Les amants de la nuit », Samuel Fuller et son « Port de la drogue », Anthony Mann -« L'homme de l'Ouest »-, …).

Oui, il s'agit d'un western de qualité ciselé par Dmytryk, le Grand Prix cannois de 1947 (l'équivalent actuel de la Palme d'Or) pour le deuxième Festival de Cannes grâce au film noir à succès « Feux croisés », qui peine à donner de l'intensité à son western tricoté de façon à mettre en avant la psychologie des personnages. Piètre dédommagement car le trio de mercenaires Fonda-Quinn-Widmark se font davantage remarquer grâce à leur charisme impeccable que par la maîtrise du réalisateur exerçant le métier de monteur à ses débuts pour le compte de Leo McCarey (« La soupe au canard », « Elle et lui »).

Dmytryk, qui a réalisé des films traitant de la 2nde Guerre Mondiale lors des 50's (« Le jongleur », « Ouragan sur le Caine », « Le bal des maudits ») et reconnu pour avoir façonné le western « La lance brisée » et le drame « La rue chaude », cisèle un western de bonne facture mais qui n'a pas résisté à l'épreuve du temps.

Je ne me suis jamais senti emporté par la profondeur de mise en scène d'Edward Dmytryk -le réalisateur de films de propagande en temps de guerre (« Les enfants d'Hitler » en 1943, « Pris au piège » en 1945) et du thriller « Obsession »- mais plutôt par les bavardages incessants entre tous les personnages.

En ressort une réalisation bas de plateau et plutôt attentiste de la part du réalisateur. Dommage, je m'attendais à autre chose.

J'ai ainsi été désarçonné par les thèmes habituels du western qui ne sont pas abordés (justice expéditive, lynchage, vengeance) alors que le duel final (avec ses gros plans) qui n'en est pas un, contribue à montrer un réalisateur qui abat ses cartes de belle manière. Depuis « Vera cruz » et son duel final, et « L'homme aux colts d'or », avec sa psychologie renforcée des personnages et le tonus mis en avant du final, je peux dire que le western méditerranéen prend forme. Merci Dmytryk !

Le réalisateur -du film baroque « Barbe-Bleue »- signe finalement ici un très bon western (de parlotte !) qui manque de punch, de grinta et de folie.


Pour conclure, « Warlock », de son titre original (sorti sur les écrans en 1959), est un western étonnant à plus d'un titre car il reste atypique du genre en raison d'une tragédie westernienne qui se termine sans véritable duel.


Spectateurs, en-Dmytryk-isez vous !

brunodinah
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le 25 juil. 2023

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