Adjani et Truffaut dans la peau d’Adèle H. Comment résister ? On sait que ça va être une expérience unique, et qui marque au fer rouge. Cette fille a réellement existée, mais elle ressemble à un personnage romantique tout droit sorti d’un roman d’Emily Brontë. Truffaut va plus loin, c’est un as dans la description de situations banales, vécues dans un cadre bourgeois, situations qui deviennent très chargées, et lourdes de sens devant sa caméra.
Isabelle est tellement impressionnante, qu’on en reste baba d’admiration. Chaque geste, chaque parole à une signification, et est pensée, pesée, digérée psychologiquement, et nous est jeté à la face. Femme passionnée, déraisonnée, amoureuse, jusqu’aux portes de la folie. À ce niveau de performance, on ne parle même plus de technique, se serait petit, on parle de pur talent. Un tel abandon dans le corps de son personnage, qu’on ressent la présence d’Adèle H, comme si elle est dans la pièce avec nous, à côté de nous. Enjoy ! C’est le genre de film qui dépasse le stade de la monstration, pour nous proposer un bijou fait d’émotion brut.
Pas de reconstitution grandiloquente. Son monde se limite à sa chambre de bonne, Adèle, (et elle écrit tout le temps son journal). Aller à la poste. Et cet homme qu’elle poursuit de ses assiduités, c’est tout. Un espace domestique et mental clos. Un Canada qui se réduit à quelques tuniques rouges, et un peu de neige, l’important n’est pas là. Chaque plan d’une justesse biblique, et cette histoire banale devient extraordinaire.
Cette réussite artistique marche au-delà des espérances, et je pense que ce film, et quelques autres, ont dus aider à faire circuler la rumeur comme quoi Isabelle était réellement malade, atteinte du Sida, voire morte ! Incroyable quand même.
Et je me demande si le fait que l’histoire authentique de cette fille perdue, aurait marché si elle n’était pas la fille du fameux Victor H. Mystère ? Mystère vite levé vue les qualités formelles du film. C’est sans doute pour cela qu’on ne dit jamais le nom de famille d’Adèle H pour Hugo. Ceci n’est pas un biopic, je ne sais même pas si on utilisait ce terme à l’époque. Mais ça a la force qui manque à bien des biopics. On entre carrément dans la tête d’Adèle H, on ne se contente pas de la voir vivre, et sombrer. Ensuite Truffaut utilise habilement les lettres, seule rapport qu’elle a avec son père, pour parler de ce père absent bien que mondialement célèbre. Ce n’est pas un biopic, ou alors se serait un biopic « aidé » comme dirait Marcel Duchamp.
Un biopic sur Victor H, mauvais père, à travers les déboires de sa fille cadette, qui a fuguée au Canada par manque d’amour. La fille préféré, Léopoldine étant malheureusement décédée par accident.
Moi j’ai tout compris dans le plan final. Adjani/Adèle réapparaît tout sourire, comme revenue du néant, comme délivrée du mal qui l’a rongeait, et nous délivre sa vérité en paroles très poétiques tirées de son journal. On peut dire que c’était une folle, une caractérielle, une hystérique, ou une idiote amoureuse d’un homme qui ne voulait pas d’elle. Pour moi, c’est une artiste.