Quel film ! « L'Extravagant Mr. Deeds » fait partie des plus grandes réussites de Frank Capra et plus simplement du cinéma de la première moitié du XXème siècle. Capra nous conte les déboires de Longfellow Deeds, un jeune homme solidement bâti, tout droit sorti de sa campagne, et qui hérite de la coquette somme de 20 millions de dollars (de l'époque) à la mort d'un oncle inconnu. Cet homme naïf, simple, franc, va quitter son village natal pour New York, et dans cette ville totalement inconnue pour lui, il va se voir entouré par des vautours de la pire espèce : avocats véreux, journalistes de caniveau, célébrités défraichies… Tous veulent sa perte. Et c'est là que le film prend une autre dimension, lorsqu'il nous dépeint la descente aux enfers de Deeds, bafoué, humilié, crucifié par ces gens avides. Sonné par l'hypocrisie de ceux qui l'entourent, par leur méchanceté, Deeds sombre dans le mutisme, et se voit même acculé par un procès, sous motif qu'il serait fou. Lui l'homme joyeux, généreux, spontané, a le défaut d'être entier, d'être un vivant au milieu des morts, ce qui semble intolérable pour certaines personnes. S'ensuit alors le défilé des accusations. Tout, et tous semblent l'accabler. Je ne vous en dirai pas plus sur le dénouement de l'histoire. Par ce film haletant, tant on s'identifie à ce pauvre Deeds, Capra représente le procès de l'honnêteté et de la bonté par la malveillance. Si Deeds peut sembler niais, n'est-il pas tout simplement humain ? Car faillible, imparfait, comme nous tous. Et c'est de ses failles, du revers de ses qualités, que veulent profiter les autres. Mais ces autres c'est aussi nous, face à l'ingénuité, à la faiblesse. Capra est friand de ces fables sociales, à l'image de « La Vie est belle » ou « Vous ne l'emporterez pas avec vous » (au titre éloquent). A travers ses films, il ne cesse d'interroger l'avidité des Américains de son temps et leur rapport à l'argent. Comme pour dire que l'argent corrompt tout s'il n'est pas utilisé à bon escient. Que l'essentiel n'est pas là, qu'il réside dans la foi en l'homme. En somme que la seule chose qui nous reste à la fin, c'est notre irréductible et si précieuse humanité.


Critique à retrouver sur mon blog ici.

ArthurDebussy
10
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Les meilleurs films des années 1930, Les meilleurs films de Frank Capra, 200 films et Une année, un film

Créée

le 10 avr. 2016

Critique lue 348 fois

5 j'aime

Arthur Debussy

Écrit par

Critique lue 348 fois

5

D'autres avis sur L'Extravagant Mr Deeds

L'Extravagant Mr Deeds
Kalian
10

How does it feel to be one of the beautiful people?

Un grand dadais habitant un trou paumé du Vermont, amateur de tuba et grand romantique (il veut à tout prix sauver une demoiselle en détresse), hérite par le jeu du hasard d'un magot colossal de la...

le 13 nov. 2010

58 j'aime

18

L'Extravagant Mr Deeds
Vincent-Ruozzi
9

Monsieur Deeds dans la tourmente

L’extravagant M. Deeds porte le sceau Franck Capra, celui du film engagé socialement. La collision entre l’honnêteté et la simplicité de l’homme face à la cupidité d’une société déshumanisée est le...

le 15 févr. 2017

49 j'aime

9

L'Extravagant Mr Deeds
Hypérion
9

Critique de L'Extravagant Mr Deeds par Hypérion

C'est avec Mr. Deeds Goes to Town que je parviens enfin à comprendre ce qui me séduit autant chez Capra. Il m'aura fallu voir quatre films pour comprendre, mais ça y est, c'est saisi. Reste à le...

le 29 juin 2014

41 j'aime

4

Du même critique

Mary et la Fleur de la sorcière
ArthurDebussy
4

« Kiki à l'Ecole des Sorciers »

Manifestement, il ne suffit pas de reprendre l'esthétique d'un maître pour l'égaler. C'est ce que les suiveurs et autres académistes apprennent à leurs dépens depuis la nuit des temps en matière...

le 24 févr. 2018

58 j'aime

12

Princesse Mononoké
ArthurDebussy
10

Le passage d'un monde à un autre

« Princesse Mononoké » couronne la carrière d'Hayao Miyazaki par bien des aspects. Peut-être son film le plus riche et le plus complexe, c'est également l'un des plus accomplis formellement,...

le 13 août 2016

36 j'aime

10

Il était une fois dans l'Ouest
ArthurDebussy
9

Western épique et lyrique

Vu une première fois, trop jeune, il y a longtemps, j'étais complètement passé à côté de ce film. Je m'étais dit « tout ça pour ça » ?! Je ne comprenais pas le concert de louanges qui entourait ce...

le 19 août 2020

32 j'aime

20