L'Événement le plus important depuis que l'homme a marché sur la Lune par Maqroll
Entre Le Joueur de flûte et Lady Oscar, soit deux films passés absolument inaperçus dans sa filmographie, Demy tourna cet espèce d’OVNI, très remarqué lui mais totalement méconnu. Lorsque l’on considère l’œuvre de Demy dans son ensemble (ce qu’il faut absolument faire si on veut éviter les contre-sens), on s’aperçoit que cette espèce de fable aux apparences bouffonnes est exemplaire à bien des égards. Marcello Mastroïanni et Catherine Deneuve y jouent un couple calqué (mais décalé) sur leur propre vie, où, un beau jour, c’est l’homme qui se retrouve porteur d’un bébé à venir. On imagine la perturbation qu’apporterait pareil événement dans notre société »… eh bien, chez Demy, personne n’est vraiment surpris : Catherine Deneuve s’évanouit certes en l’apprenant mais ce n’est qu’un léger malaise qui fait rapidement place à une sur-adaptation de toute la population du globe, à l’exception toutefois de l’ex-femme du héros malgré lui, qui refuse de croire cette nouvelle effectivement trop grosse. Comme dans chaque film de Demy (et surtout comme dans Les Demoiselles de Rochefort dont ce film semble être une variation sur le mode « On va encore plus loin »), chaque détail est travaillé à l’extrême. Ainsi, les patronymes, depuis la Madame Janvier du début (impavide Madeleine Barbulée) jusqu’au Docteur Delavigne (incroyable Micheline Presle) en passant par le savoureux Soumain (Claude Melki, sobre et très juste)… Tout est bonheur, légèreté et second degré dans cet ensemble de grâce que la critique (insensible justement à ce second degré trop subtil, comme la présence hilarante de Mireille Mathieu !) s’est ridiculisée à essayer de dénigrer. Il faut bien reconnaître que le thème était bien trop sérieux pour cette époque post-soixante-huitarde où l’on ne se souciait que de jouir… Un homme peut-il porter un enfant ? Et si oui, par quels moyens ? Et comment le mettrait-il au monde ? Devant cette dernière question (peut-être en forme d’impasse), dans un immense clin d’œil, Demy nous donne une fin où il semble nous réinscrire dans un monde conventionnel et banal où le surnaturel est balayé dans le caniveau. Restent les questions de société et surtout celles posées par l’interrogation sur le désir des uns et des autres…