C’est au contact de ce groupe d’étudiants en master de littérature allemande que Margaux comme le film lui-même atteignent la puissance vertigineuse d’un désir qui se retrouve par celui des autres, dans un mimétisme tout à la fois érotique et source de souffrance – en ce qu’il contraint le personnage principal à une position de spectatrice puis d’élève. Le cadre universitaire rejoue ainsi, sur le plan scolaire, l’initiation à la vie que suit cette femme endeuillée, une initiation qui exige de recommencer une existence qu’elle pensait avoir construite et menée à bien, à se mettre à jour pour aimer à nouveau et être aimée.


Le long métrage investit aussitôt, et de manière fort juste, la virtualité contemporaine des rencontres : par le prisme des réseaux sociaux, des applications et des sms, il révèle un décalage générationnel qui plonge le personnage dans une profonde solitude doublée d’une détresse affective. Amant d’un soir, escort-boy pour personnes âgées, libertins dans les douches de la piscine. Exploration non exhaustive du désir ainsi libéré. Les études supérieures apparaissent tel un temps de pause suspendu entre deux âges sérieux et définis par la règle – adolescence et monde adulte – qu’il faut cultiver encore et encore comme si l’on puiser à la source d’une jeunesse éternelle : après le master, la thèse, et puis on verra. Étudier à l’université devient une finalité en soi, non plus un moyen d’accéder à un métier précis.


Margaux pénètre une nouvelle fois dans ce temps en dehors du temps, avec désormais la lucidité et l’expérience acquises par la maturité ; elle semble constamment et présente et extérieure aux activités, dans une position de surplomb qui dit la barrière de l’âge et, derrière elle, l’épreuve du deuil de sa vie passée. Aussi oscille-t-elle entre la spontanéité et l’ordre, deux valeurs qu’emploie Goethe pour apprécier le sentiment amoureux – cité par l’un des professeurs au début du film. Elle bénéficie de l’interprétation remarquable d’Emmanuelle Béart, bien trop rare dans le paysage cinématographique français d’aujourd’hui. Un film à voir.

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le 29 août 2021

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