Avec ce film, de Oliveira choisit d'adopter le ton des contes fantastiques de la fin du 19ème / début du 20ème siècle (ceux de l'époque de sa naissance en somme), comme ceux de Maupassant, de Poe ou d'Oscar Wilde, pour réaliser un film ô combien troublant qui brasse un nombre incalculable de choses en rapport direct avec le cinéma. Le sujet en lui-même, et la façon de la traiter, ne parlent que de cinéma. Soit comment redonner vie à une personne morte par le prisme de la photographie - entendre de l'image cinématographique - uniquement en croyant en l'existence ontologique de celle-ci. Pour ce faire, le cinéaste convoque tout aussi bien Mrs Muir de Mankiewicz que le Vertigo d'Hitchcock. Si sa mise en scène rappelle ici certains de ses cinéastes amis, Ruiz et Buñuel, notamment par l'étrangeté fantastique que le film brasse tout du long, je pense n'avoir pas vu de si beau et si pur, si vibrant hommage au cinématographe depuis La Frontière de l'Aube de Philippe Garrel. Ces deux films sont comme deux frères siamois qui salueraient L'Aurore de Murnau communément. La fin notamment, rappelle aussi un grand film récent : Last Days de Gus Van Sant. Ces films ont en commun une croyance pure et dure en ce qu'ils énoncent. Plastiquement, de Oliveira est au sommet de son art. Chaque plan, sublime mais jamais photographique, jamais figé, toujours cinématographique, évoque un croisement d'une toile de Vermeer et d'une autre de Magritte, où l'ancien se mêle au moderne, où l'étrangeté vient délicatement se mêler au quotidien semant un trouble diffus et persistant. Les nombreux effets spéciaux du film sont parmi les plus beaux que j'ai pu voir, et la scène d'élévation est l'une des plus belles du cinéma contemporain. Ni plus ni moins. J'espère que le dernier plan du film, cette sublime fermeture au noir, ne sera pas prophétique, et que de Oliveira continuera longtemps à tourner, car à 103 il est l'un des cinéastes les plus jeunes, les plus inventifs, les plus novateurs et les plus fantastiques qui soient.
FrankyFockers
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le 24 janv. 2012

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