L'Escadron noir
6.6
L'Escadron noir

Film de Raoul Walsh (1940)

Quand John Wayne et la Réalité Historique Se Rencontrent


Dans les années 1859 et suivantes à l'aube de la sanglante guerre civile, les plaines du Kansas étaient déjà un premier champ de bataille. Venant du Nord et du Sud, des groupes d'hommes tentaient de rallier ce territoire à leur cause. Le cri de guerre de l'époque était : TOUS AU KANSAS !




Quand Passé et Créativité S'Entrelacent sur Grand Écran



Les résonances de la réalité s'entrelacent habilement avec l'imagination dans "L'Escadron Noir", la réalisation magistrale de Raoul Walsh. Dès ses premiers instants, le film pose une toile narrative complexe où des événements authentiques se marient harmonieusement à des éléments inventés, permettant ainsi une mosaïque captivante. Comme en témoigne ces mots éloquents, "Une partie de ce film est basée sur des événements qui se sont réellement produits dans la vie de ces personnes. Les autres événements sont purement fictifs et toute similarité avec des faits réels sont purement fortuites." C'est au cœur de cette toile que s'inscrit l'incident déchirant du massacre de Lawrence, survenu aux premières lueurs du 21 août 1863, pendant les heures troubles de la guerre de Sécession. Sous la responsabilité de William Quantrill, cette tragédie historique constitue une pierre angulaire autour de laquelle s'épanouit le récit. Nourrie par le travail de scénaristes talentueux tels que F. Hugh Herbert, Lionel Houser et Grover Jones, à partir du roman "The Dark Command : A Kansas Iliad" de WR Burnett et méticuleusement adapté par Jan Fortune, cette idée remarquable forme le socle d 'un récit historique embellit par des éléments fictionnels. Le film s'approprie intelligemment la dualité entre vérité et fiction, plongeant le spectateur dans le passé tourmenté tout en insufflant aux personnages historiques une vie nouvelle.


Une approche créative qui s'invite dans un scénario, au résultat narratif qui peut parfois laisser perplexe, avec quelques moments de longueur et l'introduction d'un triangle amoureux qui ne trouve pas sa justification. En contrepartie, l'histoire trouve son salut dans la performance du casting, avec celle de John Wayne dans le rôle central de Bob Seton. Ce personnage, bien que relativement simpliste, prend vie de manière charmante grâce au talent habituel de l'acteur. L'authenticité de Seton, un homme au cœur noble malgré son analphabétisme, parvient à capter. Son partenariat comique avec George 'Gabby' Hayes dans le rôle du Doc Grunch ajoute une touche piquante et mémorable qui ne passe pas dans l'aperçu. En revanche, la prestation de Claire Trevor dans le rôle de Mary McCloud ne m'a pas autant convaincu. Bien qu'elle reforme un duo puissant avec John Wayne, comme c'était déjà le cas dans "La Chevauchée fantastique" de John Ford, son interprétation laisse un goût mitigé. Roy Rogers, qui incarne son frère Flectch McCloud, se distingue même s'il opère dans un registre plus discret. Le véritable protagoniste incontesté de "L'Escadron Noir" est Walter Pidgeon, dont le personnage est en théorie basé sur William Clarke Quantrill, un partisan confédéré à l'origine de raids contre les exploitations locales et les détachements de l'Union pendant la guerre civile au Kansas. Bien que l'adaptation prenne quelques libertés avec la réalité historique, Pidgeon permet d'accrocher l'attention et de marquer les esprits. Malgré un manque initial de charisme, son personnage gagne en prestance dès la moitié du récit, reçoit une empreinte forte. La dynamique entre William et sa mère, Mme Cantrell, incarnée par Marjorie Main, est remarquablement conçue et joue un rôle dramatique pertinent dans l'intrigue.


Avec une somme colossale d'environ sept cent cinquante mille dollars, "L'Escadron Noir" détenait le titre du film le plus extravagant de la maison de production hollywoodienne "Republic Pictures" à l'époque. Ce studio, fondé en avril 1935 par Herbert J. Yates, a vu en ce projet son plus grand triomphe au box-office. Cette mise de fonds considérable se reflète dans la réalisation méticuleuse de Raoul Walsh, qui imprègne chaque plan d'une qualité saisissante. L'œuvre tire sa grandeur de divers éléments, allant de la direction artistique soignée de John Victor MacKay à la photographie à couper le souffle de Jack A. Martales, qui s'intègre avec brio au cadre. Malgré sa discrétion, la musique signée Victor Young contribue aussi à l'ensemble, même si son impact est léger. Cette mise en scène captivante trouve son apogée dans des séquences d'action toujours aussi puissantes, qui continuent d'éblouir aujourd'hui. Une course-poursuite palpitante, par exemple, dépeint la fuite frénétique de Cantrell, Seton et Doc Grunch (Gabby Hayes) à bord d'une charrette tirée par deux chevaux. L'excitation monte alors qu'ils se retrouvent pris au piège en bout de falaise, au-dessus d'une rivière. Ce qui aurait pu être la fin de la séquence transférée en une chute vertigineuse, charrette et chevaux inclus, dans un moment d'une exécution brillante qui ne manque pas de nous tenir en haleine. Je m'interroge sur les prouesses nécessaires pour obtenir un tel résultat, espérant que les deux équidés n'ont pas été sacrifiés pour la réalisation. D'autres instants captivants parsèment le film, dont le final explosif lors de l'invasion de la ville de Lawrence. De plus, la conclusion apporte une qualité visuelle épatante à travers un jeu d'ombres saisissant. Cependant, c'est avec un brin de déception que l'on assiste à la conclusion du périple, marqué par un bref échange à tonalité légère entre les antagonistes. Ce choix de clôture, bien que visant à apporter une note décontractée, peut sembler quelque chose de peu inopportun à la suite du drame intense qui s'est déroulée quelques instants auparavant.



CONCLUSION :



L'Escadron Noir, œuvre signée Raoul Walsh, présente une intrigante alchimie entre le décor historique et l'aspect fictif du cinéma. Porté par un casting de qualité et une mise en scène méticuleuse, le film captive grâce à des scènes d'action palpitantes et des performances qui laissent une petite empreinte. Le jeu subtil entre profondeur dramatique et moments plus légers peut par moments déséquilibrer le récit, mettant en jeu la cohérence globale. Ces défauts, néanmoins, ne font qu'ajouter une dimension humaine au fil narratif, qui, malgré ses aspérités, continue de tisser un lien avec le spectateur via une réalisation au top.


Un western qui ne laissera pas une empreinte indélébile dans le paysage cinématographique mais réussi au moins à proposer un spectacle divertissant.



On a un proverbe au Texas : "Qui ne tente rien, n'a rien."



Mon analyse que vous pouvez retrouver sur ma chaîne YouTube spécialement dédiée aux westerns : https://www.youtube.com/watch?v=sD_qPyFuQUQ

Créée

le 14 août 2023

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Où l'on se doute, si on ne le savait pas, que Walsh fut l'assistant du grand D.W. Griffith.

Bon ben pour le contexte, je vous renvoie à l'excellente critique de Limguela. D'autant qu'ayant vu le film sans sous-titres, alors que le sous-texte est assez implicite, j'ai dû passer à côté de pas...

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