Je démarre donc la filmographie de Maurice Pialat par son premier long-métrage qui me pousse déjà à en voir d'autres. L'Enfance nue est un film dur, austère, qui va droit à l'essentiel sans aucun artifice. En quelque sorte, le cinéaste filme la réalité, la vie. C'est cela qui m'a séduit plus particulièrement, Pialat pose sa caméra dans un département modeste (mon Pas-de-Calais natal) pour y filmer le quotidien d'un jeune garçon turbulent abandonné par sa famille et trimbalé de foyer en foyer. La comparaison avec les 400 coups est assez inévitable vu le sujet même si beaucoup de choses opposent ces deux films. Là où Doinel a bon fond, le jeune François de l'Enfance nue est plus agressif, plus méchant même si il fait preuve de bonté par instants bien que sa nature instable reprenne souvent le dessus. Là où Truffaut se permet d'être plus "cinématographique" avec des séquences moins réalistes, Pialat lui préfère filmer la vérité brute. C'est cette austérité qui me bloque un peu mais elle est reste parfaitement cohérente avec le propos du film.

Budget dérisoire et volonté de réalisme oblige, les acteurs du film sont majoritairement amateurs. Si bien sûr cela laisse quelques approximations dans l'interprétation, j'adhère au parti pris qui donne un réel cachet au film. Le jeune interprète de François se débrouille très bien d'ailleurs. De manière générale j'ai aimé la diction imparfaite des personnages, ça respirait l'authenticité. Ça m'a beaucoup fait penser à du Dumont d'ailleurs, Pialat étant sûrement une source d'inspiration pour le cinéaste nordiste. Puis entendre parler d'Arras (ma ville natale) et d'Hénin-Beaumont au cinéma c'est quand même quelque chose qui me plait particulièrement, même si 23 ans séparent la sortie du film de ma naissance je me sentais concerné par ce qui se passait à l'écran.
La narration manque un peu de liant à mon sens, le montage étant assez brutal. Mais la mise en scène (ou au contraire l'absence de mise en scène?) rattrape cela. Pialat n'hésite pas à allonger ses séquences, laissant vivre ses personnages. Il y a une réelle intelligence d'auteur, une vision sans fards de la vie qui percute.

Le passage chez le couple de vieux m'a beaucoup plu. La complicité que noue François avec "Mémère-la-vieille" est particulièrement touchante. Ces vieilles personnes me rappellent tellement la gentillesse des quelques-unes que j'ai pu rencontrer plus jeune. Et dans ce cadre paisible, le jeune François continue de bouillonner. On ne sait pas pourquoi, Pialat a l'intelligence de ne jamais expliciter la scène. Il laisse l'image parler, comme un retour aux sources, aux origines du cinéma. Des séquences comme celles du chat ou de l'autoroute sont cruelles, les passages avec Mémère-la-vieille sont très tendres, la majorité du film est rude. Je sens que Pialat n'est pas un mec qui fait des concessions et qui te lâche de la poudre aux yeux à tire-larigot. La justesse de ce film me laisse penser que ce cinéaste me plaira beaucoup. En tout cas j'aime beaucoup son Enfance nue, une oeuvre forte et intelligente.
Moorhuhn
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le 8 avr. 2013

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Moorhuhn

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