L'Effet papillon est en bien des points comparables à Donnie Darko : sortis à l'orée des années 2000, faits par de sombres inconnus, ces deux films aux relents de séries b ont surpris leur monde dès leur sortie, s'affublant du statut d'oeuvres cultes à twist renversant. Et si Donnie Darko n'aura pas volé sa réputation, il semblerait que le film du duo Eric Bress et J. Mackye Gruber (qui avaient déjà travaillé ensemble sur le scénario de Destination Finale 2) ne soit finalement qu'un teen movie décevant, surestimé et peu novateur.


On parle souvent de philosophie, d'idées nouvelles apportées au genre, d'un scénario si profond qu'il changerait notre manière d'aborder le voyage dans le temps au cinéma; se pourrait-il que L'Effet papillon ait révolutionné, comme on aimerait nous le faire croire, ce sous-genre qu'avait codifié la trilogie Retour vers le futur? Puisqu'où l'on cri au génie, je ne vois qu'une réadaptation perpétuelle de la noirceur du monde d'un Biff Tannen dans Retour vers le futur 2, vision dystopique d'un futur possible auquel L'Effet papillon n'ajoute que son ton caricatural et glauque.


Outre le fait qu'Ashton Kutcher ne fait guère des miracles (c'est Ashton Kutcher, en même temps), le principal problème de l'oeuvre vient donc de son écriture qui, si elle se base sur un concept certes intéressant, se contente d'un mélange des genres (soit thriller glauque et science-fiction) comme idée narrative principale, cochant toutes les cases qui font que ses personnages mènent une vie affreuse, et que rien ne pourra jamais changer le statut quo, pas même tous les efforts capricieux d'un personnage principal forcément héroïque à en crever.


Alors on oscille de sous-intrigue en sous-intrigue au fil des différentes dimensions visitées, où tout semble toujours pire ou largement plus glauque, jusqu'à comprendre finalement que L'Effet papillon, se prenant pour une tragédie grecque, avance à petit feu l'idée que ses personnages secondaires ne pourront jamais être heureux tant qu'il vivra ou sera à leurs côtés dans leur vie; au spectateur de se rendre compte qu'il devient, suite à tous ses voyages dans le temps, l'antagoniste du film, remplaçant le père de notre héroïne.


Mais voilà, je suis ennuyé : jusque là, j'ai bien aimé le film, d'autant plus que la romance entre Kutcher et Amy Smart possède un sacré charme et cette beauté fragile des Teen Movie réussis de l'époque. Tout à l'heure, je parlais de caricature : c'est en effet le point noir du film, qui balance à la truelle la psychologie de ses personnages et les évènements traumatisants auxquels ils sont sujets.


Si l'on prend le personnage d'Amy Adams, pièce centrale de l'intrigue sans qui rien de tout ce bordel ne se serait jamais produit, il est effarant de se rendre compte qu'elle ne peut jouer autre chose que la femme dépressive suicidaire, la toxicomane dépravée ou la bourgeoise prétentieuse; il n'est aucune personnalité qui soit nuancée dans toutes les dimensions que visite que Kutcher, que ce soit pour son personnage ou celui de son premier colocataire, gothique sataniste amenant un contexte de lutte des classes forcé pour paraître toujours plus fouillé et thématiquement riche.


D'autant plus que d'une piaule à l'autre, la coloc de Kutcher passe du style gothique presque vampirique à la chambre de mariage avec un véritable lit de mariage, des couleurs flashy et des tonnes de coussins en forme de coeur. C'est certes sympathique de faire de la symbolique, mais il faut garder le sens de la mesure : tout te balancer explicitement à la gueule ne permet aucunement de rendre ton film profond, de lui permettre une relecture une fois le visionnage conclu; non, cela le rend maladroit, bourrin, primaire et montre qu'il ne maîtrise jamais les thématiques qu'il emploie, préférant surligner ses traits que les ébaucher au crayon à papier.


Que ce soit visuellement ou au niveau des interactions entre ses personnages, L'Effet papillon pâtit donc de son manque de finesse : manichéen, caricatural, c'est aussi par le biais de son histoire maladroite qu'il marque le spectateur, tant ses excès conduiront à rendre son expérience glauque et triste, d'une noirceur, il est vrai, rarement représentée dans le genre. On tient là la plus grande qualité du film : son côté film d'horreur pessimiste et sans happy-end (même si sa conclusion triste sera un poil tirée par les cheveux, symboliquement forte mais, une fois encore, balancée n'importe comment) amènera enfin une perspective de conséquences au voyage dans le temps, et nous offrira l'opportunité de ne pas croiser que des personnages parfaits, de pouvoir s'attacher à des protagonistes à la triste vie et pour lesquels on éprouve de l'empathie, aussi caricaturaux qu'ils puissent être.


Certainement superficiel, L'Effet papillon est un teen movie qui n'existe que par la complexité d'apparence de son intrigue, aisément compréhensible et plutôt prévisible qui, ayant pour principale qualité de nous présenter des personnages attachants par leur côté caricatural, aura le mérité de marquer les esprits à défaut de faire véritablement réfléchir. Des images restent en tête, sûrement plus par les effets clipesques des années 2000 que par la réelle profondeur de la mise en scène. Retenons surtout son ton sombre et ses visuels poisseux, point d'orgue d'une histoire pessimiste comparable à un tunnel sombre duquel ne jaillirait aucune source de lumière. Sympathique, il est aisé de comprendre comment il a pu récolter tant de fans.

Créée

le 3 janv. 2019

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FloBerne

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