Tout proche de l'arrivée du très attendu The Shape of Water, je me fait la filmo de Guillermo del Toro histoire de me replonger dans son univers fantastique assez singulier.
Pour ce que j'en connaît pour l'instant, on peux distinctement séparer les films de Guillermo del Toro en deux groupes: les films d'action survitaminés où on dézingue du monstre à tout va sur fond de mysticisme et de folklore européen (Hellboy, Blade II, Mimic...) et des drames plus intimistes avec pour contexte la guerre civile espagnole comme Le Labyrinthe de Pan et L'Echine du diable, dont on parle aujourd'hui.
C'est cette seconde catégorie qui me fascine le plus, de par la densité des thématiques traitées et l'intensité de l'action qui repose sur le pouvoir symbolique du surnaturel.
On se retrouve donc dans un orphelinat espagnol perdu dans le désert, loin du conflit. Carlos, un enfant de soldat mort au combat, est conduit dans un orphelinat. Il est déjà difficile de nourrir tout le monde à cause de la monopolisation des ressources destinée à l'effort de guerre. Un obus planté dans le sol au milieu de la cour de l'orphelinat nous rappelle les combats qui font rage à quelque kilomètres de là. Désactivé par l'armé, mais toujours présent, à l'image de cette guerre qui commence et qu'on n'arrive pas terminer.
Cet Orphelinat regroupe ainsi de nombreux secrets, le spectre d'un enfant hante les bains et l'or de la cause républicaine se cache quelque part, à l'abris. Tout comme le Labyrinthe de Pan, Guillermo del Toro donne au mal une image peu conventionnelle avec le personnage de l'homme à tout faire, beau, fort et aimable en apparence mais qui se révélera d'une nature diabolique.
Le film commence avec les difficultés de Carlos à s'adapter à la vie dans l'orphelinat, et vire très rapidement vers un côté plus sombre lorsque la vie des adultes est évoquée. Guillermo del Toro traite ainsi du désir sexuel, des compromis à faire, de la perte de la dignité pour le plaisir.
Le sujet de la guerre est traité en toile de fond avec un questionnement sur la morale durant un conflit (un grain de sable dans le désert, a-t-on le droit de se comporter comme des bêtes quand le monde s'écroule ?).
On peut également voir un parallèle entre la brutalité aveugle de la guerre et les actions de cet adversaire qui est resté 15 ans à l'orphelinat, dans la pauvreté et l'isolement. Tout comme l’Espagne qui subit de nombreux malaises sociaux qui ont menés au soulèvement des nationalistes et l'avènement de Franco, l'homme à tout faire a subi sa vie à l'orphelinat, et ne désire que sa destruction. Il est la bombe au milieu de la cour, mais cette fois bien armée, et prête à exploser.
La photographie, assez sombre et contrastée fait très bien passer cette sensation d'irréalité qui vire brusquement vers une réalité crue et violente.
Guillermo del Toro arrive particulièrement bien à tempérer son film émotionnellement avec de nombreux moments angoissants lors de la découverte du spectre qui hante ces lieux et pour nous suggérer sa présence quand il n'est pas là et l'inverse. Sa caméra toujours assez près des visages permet de donner un aspects assez viscéral et subjectif des différentes situations et sa passion pour les effets plastiques en tout genre s'insère très bien dans cet univers perturbant et bouleversant.
L'Echine du Diable est un film qui traite de nombreuses problématiques avec un sujet de fond qui rejoint la forme et une intrigue prenante qui entrecroise un réseau de symboles pertinents et permet une réelle mise en perspective de l'innocence, de la mort, de la guerre et de la colère.