Limiter Joe Dante, homme à tout faire du cinéma, à ses Gremlins serait bien cruel, le cinéaste ayant d’autres belles productions à son bénéfice, mais qui n’ont jamais connu le même succès.


L’Aventure intérieure en fait partie, au triomphe modeste, alors qu’il signait pourtant les retrouvailles de Joe Dante avec Steven Spielberg pour sa compagnie Amblin Entertainment. Tant pis pour les spectateurs de 1987, le film s’apprécie d’autant plus aujourd’hui qu’il porte indubitablement la patte de Joe Dante, son amour pour un certain cinéma passé et son humour un peu cinglant.


Cela ne se voit pas forcément au premier abord, car Innerspace de son petit nom en VO pourrait faire penser à un film entre science-fiction et comédie de plus des années 1980, avec son expérience de miniaturisation qui tourne mal, où le pilote du navire rapetissé se retrouve dans le corps d’un quidam, pourchassés par une organisation évidemment méchante. Le déroulé est rocambolesque, pas très regardant sur les facilités scientifiques, tant que le spectacle est là et que le spectateur s’amuse.


Le film pourrait être un remake du Voyage fantastique de Richard Fleischer sorti en 1966. Mais s’il le modernise, il en offre aussi une amusante parodie, qui s’amuse aussi à se moquer de certains codes des films des années 1980. Il y a évidemment le duo sur lequel repose le film entre le miniaturisé lieutenant Tuck Pendleton et le quidam Jack Putter. Le premier est un ancien pilote, une tête brûlée narcissique, conflictuelle et avec des problèmes de boisson, qui fait passer Maverick de Top Gun pour une pâle copie, même s’ils partagent une coupe similaire. Dennis Quaid l’interprète avec malice et avec éclat. Jack Putter lui est un employé de super-marché, fade et hypocondriaque, pas vraiment estimé, à la vie calme mais malgré tout angoissée. Recevant dans le fessier l’injection avec le vaisseau et le lieutenant miniaturisés, il sera le héros malgré lui, obligé par Tuck de se bouger un peu le popotin, justement. Ce jeune adulte n’a pas l’insouciance d’autres héros des années 1980, il a le visage de Martin Short, humoriste formé au Saturday Night Live. Il lui manque tout de même un petit truc pour s’imposer un peu plus, le personnage est parfois agaçant. L’un a l’assurance, l’autre a l’inquiétude, le duo fait tout de même des étincelles et fonctionne bien, même en y ajoutant l’ex de Tuck, sur laquelle Jack a aussi des vues. La belle Lydia, journaliste à la recherche de la vérité, est jouée par Meg Ryan, alors peu connue au cinéma, mais déjà talentueuse.


Ce trio doit aller chercher une puce, volée par une équipe laborantine concurrente, aux services d’un homme d’affaires véreux. Si Kevin McCarthy et Fiona Lewis font la paire, il faut saluer la performance de Vernon Wells pour Mr. Igoe. Parodie évidente de Terminator, tout aussi implacable, il offre en plus à sa prestation de tueur à gages redoutable un sourire malicieux et inquiétant tout à fait marquant.


Et si le film est bien rythmé, bien qu’un peu affaibli en milieu de parcours, c’est aussi parce que son humour touche. Il y a bien sur ces dialogues, un peu cinglants de Tuck, ou des inquiétudes de Jack, et certains quiproquos qui découlent de la situation. Il fallait oser faire parler Jack lors d’une scène en donnant l’impression qu’il s’exprimait à son pénis dans des toilettes publiques, et pourtant le gag fonctionne, tout comme une autre dans la salle d’attente d’un médecin. Mais il y a aussi la patte de Joe Dante, dans ses traits un peu satiriques de l’Amérique, bien qu’ici ce soit à plus petites doses, avec les mascottes du Mall, sa critique de la grande distribution ou le personnage de Cowboy, tellement exagéré qu’il en est forcément drôle.


Si le film s’assoupit un peu autour de sa moitié, c’est que le jeu du chat et de la souris entre les voleurs et le trio de héros s’éternise un peu, que l’humour est alors plus en retrait ou que le spectacle est moins présent, bien qu’il y ait une impressionnante cascade routière. Quand le film veut en mettre plein la vue, il peut compter sur sa reproduction du corps humain, organique et caverneuse, très réaliste alors qu’il s’agit d’effets spéciaux réels, du trucage assez incroyable, sans la facilité du numérique. C’est un autre monde qui se présente, une faune et une flore intérieure, où Tuck se balade un peu trop librement pour ne pas causer de désagréments, mais tout de même assez bluffant. C’est d’ailleurs parce qu’il présente cet intérieur miniature comme un univers déconnecté qu’il est bluffant. Car quand le film fait rencontrer des personnages rapetissés avec une échelle normale, le résultat est tout de suite plus dérangeant, parfois un peu piteux.


Le film aura l’Oscar des effets visuels, c’est mérité (et tant pis pour Predator qui était nominé), et c’est même le seul film récompensé par un Oscar de Joe Dante, ce qui est tout de même un peu dommage.


Époustouflant et drôle, L’Aventure intérieure remplit bien le cahier des charges des années 1980 et des productions Amblin. Et même s’il s’en moque un peu, il reste dans le moule. Jerry Goldsmith offre d’ailleurs une partition assez reconnaissable de ces années, mais tout de même appréciable. On y retrouve l’appétit de Joe Dante pour une SF fantaisiste mais aussi son humour piquant. Bien emmenés par son duo de héros haut en couleurs le film n’a pas perdu trop de son charme et mérite d’être (re)découvert.

SimplySmackkk
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le 28 janv. 2022

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