Il est passionnant de retrouver, dans le travail d’un réalisateur, une même thématique réinvestie et déclinée au fil des films comme le peintre joue de sa palette et des contrastes engendrés pour peindre toujours le même tableau décliné seulement. Car ce qui fascine Carpenter c’est le Mal. Qu’il apparaisse sous un masque blanc ou dans la brume portuaire, le Mal constitue l’invité de choix à la table horrifique d’un cinéaste qui remonte ici aux sources de la Création, tel un démiurge maléfique. Profondément religieux dans sa structure, L’Antre de la folie fonctionne avec Le Village des damnés comme réflexion sur la paranoïa mystique et la manipulation de l’esprit par une instance supérieure, offrant à Carpenter l’occasion de filer une vaste métaphore du pouvoir de création artistique dont nous, spectateurs, sommes les témoins. « J’écris donc vous êtes » affirme l’auteur à succès, lucide quant à la force de la fiction à l’œuvre dans notre réalité intérieure. La Bible guida – et guide encore – l’homme pendant des siècles, or la Bible n’est qu’un assemblage de mots reliés par un auteur divinement inspiré ; d’une fiction sainte à une fiction démoniaque il n’y a qu’un pas, « l’essentiel est la croyance » indique l’un des protagonistes. Il faut donc vivre la folie en refuge, la détention psychiatrique comme incarnation physique de notre détention mentale : confortablement assis dans une salle de cinéma, Trent assiste au film de sa vie remonté pour n’en conserver que les moments de doute, de rejet de ce qui, en apparence, n’est pas réel. Par un montage particulièrement travaillé qui suscite souvent notre égarement, Carpenter brouille les frontières déjà poreuses entre réalité et fiction pour battre en brèche le retour critique à la raison. La seule issue: rire de notre folie et l’accepter, tout comme les monstres venus nous terrifier, ces êtres chimériques sortis du Néant pour nous rappeler que nous ne tarderons pas à y retourner.