L'Adolescente
5.7
L'Adolescente

Film de Jeanne Moreau (1979)

On connaît Jeanne Moreau, l’actrice remarquable à la carrière impeccable et au jeu inoubliable. On connaît en revanche moins sa carrière de réalisatrice. L’actrice réalisa trois films entre 1976 et 1983 dont ‘L’adolescente’ en 1979. Le film est, à ce titre, une curiosité à découvrir.


Objectivement, le film n’est pas un chef-d’œuvre, loin de là. Il est touchant, pas parfaitement juste mais joliment désuet. On y suit, en 1939, Marie. Elle a 12 ans et n'est plus une petite fille. Elle part en vacances chez sa grand-mère, en Auvergne. Les jeux des enfants du village ne l'amusent plus, elle s'intéresse au nouveau médecin de campagne. Mais la Seconde Guerre mondiale éclate.


Jeanne Moreau montre très bien le passage de l’enfance à l’adolescence. La jeune fille arrive encore enfant chez sa grand-mère. Elle traite un enfant de bâtard devant la mère de celui-ci sans en connaître la signification, ni la méchanceté du terme. Elle oublie de faire ses devoirs, fait l’idiote. Elle est la chouchoute, la star du village. Et puis tout change. Les enfants de son âge ne l’intéressent plus. Il y a d’abord l’évolution de son corp. Sa poitrine grandit, elle a ses premières règles. L’actrice-réalisatrice aborde directement cette transition (assez crûment sans doute pour l’époque) mais également avec pudeur. Et puis, il y a les premiers émois amoureux. L’élu de son cœur est un beau médecin de trente ans, parisien comme elle. Elle l’idéalise, oublie tout sens des réalités.


Ce qui est assez réussi également, c’est que le regard que cette adolescente porte sur ses parents. Elle voit le couple de ses parents se faire, se défaire, se refaire. Elle observe sa mère flirter avec le médecin. La mère devient ainsi la rivale sentimentale de sa propre fille. Belle idée scénaristique mais développée sans lourdeur. Elle regarde ses parents avec tendresse, constate leurs faiblesses. Et puis, il y a cette belle et pure relation avec sa grand-mère sévère, autoritaire mais juste et aimante.


Le village est filmé de manière assez pittoresque. On a, par moment, l’impression que Jeanne Moreau débarque pour la première fois dans la campagne française. Il y a le forgeron, le menuisier, la buvette tenue par la grand-mère, la fête du village. Tout cela est assez charmant et confère un aspect joliment désuet au film. Un sentiment renforcé par cette voix-off très littéraire. Je trouve assez amusant que Jeanne Moreau fasse un film aussi classique alors qu’elle a toujours été louée pour la modernité de son jeu et qu’elle fût l’un des visages de la Nouvelle Vague qui fit du « cinéma de papa » des années 40-50 sa tête de turc. Les dialogues ne sont pas toujours très bien écrits. Certains ne sont pas très naturels, parfois excessivement théâtraux.


Ce qui n’est pas réussit c’est qu’à ces vacances douces, Jeanne Moreau voudrait y opposer un contrepoint dramatique, historique. C’est annoncé dès le début par la narratrice, la seconde Guerre Mondiale approche. Mais on ne le ressent pas en voyant le film. La vie est relativement paisible, semble s’écouler normalement. Même si plusieurs personnages évoquent la guerre ou la figure d’Hitler, on ne sent jamais l’inquiétude. Pourtant le docteur est juif.


Jeanne Moreau s’est entourée d’un casting assez étonnant. On y croise un Jean-François Balmer jeune et reconnaissable. Le père est joué par Jacques Weber, jeune aussi mais absolument méconnaissable. Et puis, il y a l’immense Simone Signoret dans le rôle de la grand-mère. Elle impose sa présence massive (elle a 58 ans au moment du tournage mais en paraît 15 de plus), sa voix grave. Enfin, il y a Francis Huster qui a étonnamment beaucoup de charme.


Le film n’est pas totalement abouti, pas indispensable. Mais, il est d’une qualité certaine et pourra intéresser les admirateurs de Jeanne Moreau.


Noel_Astoc
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le 19 févr. 2023

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