Je sais que Kundun n'est pas le film préféré des amateurs du cinéma de Martin Scorsese. Il est vrai qu'il est assez déroutant pour un cinéphile de voir un réalisateur italo-américain, catholique affirmé consacrer un long métrage au bouddhisme à travers les yeux d'un enfant, s'intéresser à ce destin hors normes et de cette manière. Jusque là, on avait entrevu le sujet traité par Jean-Jacques Annaud ou Bernardo Bertolucci. Je les ai vus, plus ou moins appréciés mais pour moi, ils n'arrivent pas à la cheville de celui-là malgré la présence attractive d'une star hollywoodienne ; Brad dans l'un et Keanu dans l'autre. Là, aucun nom connu au générique à part celui du réalisateur qui s'efface humblement derrière ce qu'il raconte.


Si le film n'a pas vocation documentaire, il suit les événements, la réalité de Tenzin Gyatso, enfant adolescent puis jeune adulte choisi pour endosser les plus hautes responsabilités spirituelles à l'age de porter des couches. Un décalage se crée entre l'age de l'enfant et ce qu'on attend de lui.


Ce qui me séduit dans cette odyssée intime, c'est le parti pris, le respect envers un peuple non violent. Cette violence qui leur est imposée, latente et omniprésente tout au long du métrage malgré le pacifisme affiché.
Ensuite, Tenzin Gyatso est à la fois harcelé et protégé. Harcelé pour suivre son éducation, accomplir ses devoirs et protégé du monde qui l'entoure. Il est notable de constater qu'il ne voit ce monde pendant longtemps qu'à travers les barreaux d'une fenêtre, la lentille d'un télescope, à distance et à l'abri de toute agitation.


Ainsi, l'Histoire est mis au second plan. Les relations du jeune garçon avec cette figure vampirique de Mao n'a rien d'anecdotique au plan du scénario mais est éclipsée par cette scène qui montre cet enfant se retrouvant aux prises avec ses propres fantômes. C'est le regard effrayé du jeune homme et sa douleur perceptible face à son impuissance qui m'ont bouleversée en plus de la splendeur incontestable des décors et des costumes.


Certes Kundun est à part dans la filmographie de Scorsese mais n'est-ce pas ce genre de parenthèse qui donne du souffle et une complexité à une Oeuvre ?
Au même titre que Hugo Cabret ou Le temps de l'innocence, il ne ressemble pas à ce que le spectateur attend de son auteur qui serait limité à un territoire urbain, nocturne italo new-yorkais.
Certains se borneront donc à relever les maladresses, de mon coté, je préfère me contenter de défendre sa beauté et sa sincérité.

Rawi
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le 4 août 2015

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