Killing Zoe
5.8
Killing Zoe

Film de Roger Avary (1993)

Killing Zoe (Roger Avary, U.S.A, 1994, 1h38)

S’il et bien un regret qu’il est possible d’avoir en ce qui concerne le cinéma des années 1990 et 2000, c’est que Roger Avary n’ait pas été plus productif que cela. Il faut attendre 8 ans après ce ‘’Killing Zoé’’ pour le retrouver derrière un projet de cinéma, et 25 ans pour sa troisième réalisation (le raté ‘’Lucky Day’’). S’il est quand même reconnu comme le co-auteur de ‘Pulp Fiction’’, pour lequel il a remporté un Oscar, il s’est fait particulièrement discret dans le monde du septième art.


Toutefois, en 1994 c’est avec un film brutal, extrêmement violent, complètement foutraque et diablement jouissif, qu’il parvient à se faire un nom dans le monde du ciné indé de genre, popularisé à peine 2 ans plus tôt par son ami Tarantino, avec ‘’Reservoir Dogs’’. Les influences sont les mêmes, on peut ainsi imaginer les discussions cinés entre les deux larrons, ce devaient certainement être des moments particulièrement épiques.


Prenant place dans le Paris du milieu des années 1990, ‘’Killing Zoé’’ c’est une histoire d’amour complètement pété, imbriquée dans un film de braquage des plus azimutés. Construit en trois blocs bien distinct, le récit a une pêche tellement énorme, qu’à l’image d’Éric (un Jean-Hugues Anglade particulièrement arraché) il file à balle dans le mur, mais avec le plus convainquant des entrains.


Ce film s’ouvre sur la vue subjective d’une voiture qui roule à fond dans Paris. Ça annonce la couleur puisque le film ne connaît aucun temps mort, tout va très vite et comme son personnage principal, l’américain Zed (Eric Stoltz) tout juste débarqué, on ne peut que se laisser prendre par cette énergie. Bien que dès le départ ça n’annonce rien de bon.


Œuvre de cinéphile s’il en est, ‘’Killing Zoé’’ cite des références à tour de bras. Comme ce poster de ‘’Dressed to Kill’’ dans un coin de pièce, qui s’avère être une double référence, à la fois au film de Brian DaPalma sorti en 1980, mais aussi à un dialogue de ‘’True Romance’’. Le clin d’œil est sans doute un peu amère puisque le scénario original de ce métrage écrit par Avary, fût retouché et vendu par Tarantino. Première trahison de ce dernier, puisqu’Avary n’est même pas crédité au générique.


Le parallèle est important, tellement le schéma de base de ‘’Killing Zoe’’ reprend celui de ‘’True Romance’’. Mais c’est aussi l’occasion de voir ce que Tarantino a apporté au scénario. Beaucoup moins bavard que son pote, bien plus direct, avec un style bien plus sec, Roger Avary est un petit peu moins obnubilé par son ‘’génie’’, ce qui confère à son œuvre une aura plus sincère, en quelque sorte.


Comme par exemple le fait d’avoir déplacé l’action en France, pour se démarquer de l’étiquette ‘’Los Angeles’’ accolée à Tarantino. Bien qu’à l’exception des scènes d’intro’ et de conclu’, tout le reste du métrage est intégralement tourné à Los Angeles.


L’histoire reprendre donc à peu de chose près celle de ‘’True Romance’’. À l’instar de la rencontre entre Zed et Zoé, une escorte girl (comme Alabama) qui vient à sa rencontre. Après une nuit passés ensemble ils réalisent qu’ils s’apprécient beaucoup. Puis c’est une descente inexorable qui débute, faite de drogue et de sexe et de violence et de son lot d’hémoglobine.


Parmi les références chères à Avary se retrouve le splendide ‘’Dog Day Afternoon’’ de Sidney Lumet en 1975. Puisque la majeure partie du métrage prend place durant le braquage, part le plus importante du récit, comme une variation anti-‘’Reservoir Dogs’’. Sur une touche humoristique d’un noir très profond, mais très drôle, Avary frôle sans cesse le grand-guignol.


La palme de la participation la plus What the Fuck revient de droit à Jean-Hugues Anglade, qui en plus de livrer une prestation incroyable, est complètement habité par son personnage. De son aveux même, il dit s’être inspiré de Gérard Depardieu pour composé Éric. Une fois cette information prise en compte, il est impossible de voir autre chose qu’un Gégé junkie défoncé à l’héro’. C’en est même dingue qu’Anglade n’ai pas eu plus souvent dans ce genre de rôle, tellement il excelle.


Petit film qui pourrait sembler de prime abord anecdotique, ‘’Killing Zoe’’ participe pourtant grandement à établir ce nouveau langage cinématographique apparu à la fin des années 1980, souvent recopié sans la même maestria. Avary, comme Rodriguez et Tarantino marque ainsi de son empreinte l’imaginaire d’un cinéma indé américain sévèrement outrancier, au cachet jouissif indélébile.


‘’Killing Zoe’’ c’est une œuvre à la bonne humeur communicative, au point qu’il suffit d’aller voir comment les comédien.nes parlent de leurs souvenirs de tournage avec une grand nostalgie. Tous étaient très impliqué, au point même que leur vécu sur le tournage se fonde dans leur manière de composer leurs personnages.


À ce titre, la séquence où Éric s’émeut devant des lingots d’or, et se met à pleurer, les larmes sont en réalité celles d’un Jean-Hugues Anglade pour qui c’était le dernier jour de tournage. Il était sincèrement triste et ému que ça soit déjà terminé. Roger Avary, en bon cinéaste qui se respect a su capter ce moment d’authenticité de la part d’un comédien qui livre plus qu’un simple jeu, en offrant une véritable émotion brute et pleine de sincérité. Voilà ce que c’est ‘’Killing Zoe’’.


Avec ce premier film particulièrement efficace, Roger Avary poursuit l’élaboration esthétique d’un nouveau cinéma, avec ses codes et ses conventions appartenant à un autre temps, mis à jour avec allégresse. Sans sombrer dans l’écueil d’un cinéma référentiel de petit malin, il participe à ancrer un style propre à ce début des années 1990.


L’ironie veut que ce soit également Roger Avary qui en 1995 (avec ‘’Mr Stitch’’) amorce le déclin de ces oeuvres indépendantes métamodernistes, qui n’ont connu finalement qu’une très courte période d’exploitation, de 1992 à 1995. Deux années charnières qui redéfinissent la production, revisitée par de jeunes cinéastes ayant grandit avec le cinéma. Ils proposent alors des expériences en lien direct avec leurs souvenirs d’enfances. C’est ce qui explique entre autre la générosité et le jusqu’au-boutisme de ces productions, résidus améliorés d’une mémoire de cinéphile.


Tout cela fait de ‘’Killing Zoe’’ une pierre angulaire du cinéma à petit budget du début des nineties. Une fausse série B fauchée, constituée des souvenirs composés par les films de braquage vu par un jeune homme, cinéphile en devenir, qu’était Roger Avary. Cela prit en compte, ce qu’il en résulte, c’est une production sincère, généreuse, à des lieues d’être prétentieuse. C’est même tout le contraire.


-Stork._

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le 26 sept. 2020

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Peeping Stork

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