Le sous-genre bien identifié du film de tueur à gages croule sous les navets épiques et les bouses cinématographiques ; en faire une liste serait aussi long que fastidieux – quoiqu'amusant. Néanmoins, quelques uns de ces films sont d'authentiques chefs d'oeuvre : que l'on songe à No Country for Old Men ou encore à Collateral, et bien sûr la série des Kill Bill. Pourtant, si ce second long-métrage de Ben Wheatley part bien d'une histoire de tueurs à gages vaguement mise en chapitres à la Kill Bill (une liste, un banc-titre par victime), ce qui fait son prix relève d'un autre cinéma. Osons : on est ici plus proche d'un thriller claustrophobique à la Peckinpah ou Polanski, voire d'un délire onirico-mystique à la David Lynch. Multipliant les références pour mieux servir sa propre cohérence, le film s'amuse à perdre le spectateur dans un torrent vertigineux et épuisant de fulgurances parfois traumatisantes.

Le scénario est en ce sens remarquable : un pitch accrocheur, qui fait pourtant redouter les clichés habituels du cinéma social britannique. C'est sans compter sur un montage au noir haché et une caméra portée très scandinaves ou encore sur une musique bruitiste, désagréable et angoissante qui n'est pas sans évoquer Shining, fil auquel on pense inévitablement dans une dantesque scène d'égouts labyrinthiques. La photo est soignée et variée, l'image passant de nocturnes pop art rouge et bleu à des noirs lo-fi numériques qui font très images volées. Et tous les acteurs sont unanimement bons, à commencer par Neil Maskell, tantôt inquiétant, tantôt complètement dépassé par les événements.

C'est justement le point fort de ce film particulièrement déroutant. Tout cloche d'emblée, dans leur couple, dans leur maison, dans leurs amis et dans son boulot. Et ce contrat qui tombe du ciel est également bien louche. Pourtant le film réussit l'étourdissant numéro d'équilibriste consistant à ne jamais pencher d'un côté de la balance : est-ce le monde qui devient fou autour du personnage ou bien a-t-il complètement perdu tout repère ? Difficile de trancher tant le film explore en permanence les deux possibilités, jusqu'au final, certes un peu couru d'avance, mais qui a le mérite de rester sur une ambiguïté redoutable. Une expérience intense et déroutante, dont la violence extrême et l'atmosphère oppressante ravira les amateurs de sensations fortes.

Créée

le 13 mai 2013

Critique lue 642 fois

8 j'aime

Krokodebil

Écrit par

Critique lue 642 fois

8

D'autres avis sur Kill List

Kill List
real_folk_blues
7

Père vert de rage

Kill List c’est une très bonne surprise. Voilà c’est dit. Là où je m’attendais à ce qu’on me serve un genre de slasher facile et commercial, je me suis retrouvé en face d’un plat plus fin et goûteux...

le 17 août 2012

37 j'aime

3

Kill List
Sergent_Pepper
8

"If he's got a dog, do we have to shoot the dog too ?"

Petit film bien étrange, Kill List nous embarque avec ses personnages dans une descente aux enfers effroyables et déroutante. Sommes-nous dans le délire du protagoniste, soldat britannique traumatisé...

le 7 sept. 2013

24 j'aime

2

Kill List
Gand-Alf
7

Le contrat.

Second film de film de Ben Wheatley après "Down terrace" et avant "Touristes", "Kill list" se fit grandement remarqué dans les festivals où il fut projeté, offrant ainsi à son auteur l'étiquette de...

le 10 déc. 2013

22 j'aime

2

Du même critique

Rush
Krokodebil
8

Le bec de lièvre et la tortu(rbo).

Pourquoi aimé-je le cinéma ? On devrait se poser cette question plus souvent. Elle m'est venue à l'esprit très rapidement devant ce film. Avec une réponse possible. J'ai d'ailleurs longtemps pensé...

le 29 sept. 2013

126 j'aime

12

Mister Babadook
Krokodebil
7

Mother, son, wicked ghost.

La cinéma australien au féminin est fécond en portraits de femmes un peu paumées, ou complètement névrosées. Il y a les héroïnes têtues et déterminées de Jane Campion, les monstres effrayants (Animal...

le 31 juil. 2014

102 j'aime

10