Ce film je l’attendais quand même ! Je n’y croyais plus trop à un moment, ça fait dix ans, mais j’étais heureux de le voir se faire, et j’en attendais beaucoup, énormément même. Il faut dire que la série est une référence pour moi, j’ai adoré toutes les saisons, de la première purement comique et avec peu de moyens, à la sixième en forme de préquelle, sombre, déprimante, malgré la comédie toujours présente, tournée dans des décors romains et avec bien plus de moyens. Sans en apprécier tous les passages, j’ai trouvé dans chaque saison, même les deux dernières et leur changement de ton et de format, quelque chose que j’adorais.


Je n’aime pas trop réagir à chaud, en tout cas à un film. Il y a un investissement, à la fois financier et psychologique, de la part du spectateur d’un film qui va toujours orienter son jugement de façon positive. Il y a le rituel du cinéma aussi, la répétition de gestes associés au plaisir, la quasi certitude que l’on va passer un bon moment. Et du coup l’on passe un bon moment. Je suis ressorti de la Menace fantôme en ayant passé un bon moment après tout, pareil pour le Royaume du crâne de cristal. Dans les deux cas j’étais déçu, mais sur le coup, juste un peu déçu. C’était bien mais pas assez. La vraie déception, la réalisation de son ampleur, est venue après.


Kaamelott pour le moment, c’est un peu pareil. C’était bien, mais … je suis déçu, et plus j’y réfléchis plus je suis déçu, mais … tout n’était pas mauvais, loin de là. Alors était-ce que j’en attendais trop en voulant retrouver la qualité et le plaisir de la série ? Ou est-ce une version de Kaamelott ratée ? Après tout, je considère les BDs Kaamelott au mieux comme sympathique, au pire comme mauvaises et inadaptées au format. C’est peut être ça finalement le problème, est-ce qu’un film était un bon format pour Kaamelott ?


Essayons déjà de lister les problèmes, et il y a du boulot.


Le plus gros que j’ai avec ce film est que pour sa majeure partie il constitue sur l’histoire ou sur les thèmes une redite des saisons cinq et six. C’est dans un ordre légèrement différent, mais on retrouve de nombreux éléments et surtout des arcs qui sont arrivés à leur conclusion. On est passé à autre chose, mais non, il faut revenir en arrière et ré-obtenir ce qu’on avait déjà « gagné » il y a plus de dix ans. La promesse de fin de la dernière saison, Arthur qui redevient un héros, n’est donc pas du tout tenue, au contraire il apparaît en début de film comme ayant perdu ses capacités physiques et son entraînement en plus de sa volonté d’être roi ou simplement de vouloir aider les autres. Je n’ai pas de problème avec l’idée même, puisque j’avais apprécié ces deux saisons, mais j’ai un problème quand on me raconte la même histoire derrière, en changeant seulement deux-trois éléments. Surtout quand, avec seulement deux heures pour tout raconter, la nouvelle version est nettement inférieure à la précédente. A part pour le troisième tiers du film qui voit Arthur récupérer son épée (un progrès) et garder le pouvoir (après une tentative de suicide qui est une redite de plus) ce film n’offre donc rien de nouveau. Et tout ce qu’il offre d’ancien est une version inférieure de ce qu’on connaissait déjà. L’apathie, le suicide, la démission, l’amour de jeunesse, la lutte contre Lancelot, le pardon, la découverte de Guenièvre en tant qu’individu et en tant que femme, on a déjà eu tout ça.


Alors bien sûr, Astier n’a pas fait le film pour les fans, ok, mais est-ce que ça demande de se répéter ? Faut-il vraiment croire qu’une partie signifiante des spectateurs y sera allée sans rien connaître de la série ?


Ou faut-il croire, malheureusement qu’il est tombé à court d’idées concernant Kaamelott ?


Un autre point qui me pose problème est que je trouve que ce film va beaucoup trop dans le symbole, dans le non-dit, dans le ressenti, au point de perdre trop en réalisme. On attend pourtant peu de réalisme, mais la Bretagne qui n’a pas un pet de neige ou de froid visible quand le continent est noyé dessous, ça passe pas pour moi. Il y a sans doute aussi une question de budget dedans, et le tout me donne une impression d’un esprit théâtre : les personnages sont au centre, mais chaque décor est généralement fixe, il correspond à un ressenti et non à un vrai lieu. Quand Astier veut faire passer un message le décor peut changer : le château s’écroule, la taverne est reconstruite, mais il n’hésite pas à être incohérent sur des choses comme le climat quand il s’agit de travailler dans le sens du réalisme et non du symbole.


Et je trouve que le symbolisme est quelque chose d’important dans une narration, mais pas au détriment du réalisme. La suspension volontaire d’incrédulité (dont je parle souvent parce que c’est quelque chose d’extrêmement important quand on parle de raconter des histoires sous quelque forme que ce soit), n’est pas la même au théâtre, pour une série à petit budget et pour du cinéma. J’ai l’impression qu’Astier, homme de théâtre, peine à trouver le bon équilibre lorsqu’il passe à du cinéma à gros budget.


Encore une fois on retrouve des éléments des saisons cinq et six, mais ici ça ne marche pas aussi bien. L’hiver, la neige, le froid, les bandits étaient bien utilisés dans la saison cinq, ici on a pas le temps de s’imprégner, il y a des incohérences, aucune profondeur.


Comparer les embuscades de Venec dans la neige dans la saison V, qui réussit à la fois à être drôle et pris au sérieux, avec l’embuscade dans la neige de ce film très théâtrale, dans le mauvais sens du terme, avec les soldats de Lancelot qui sortent de planqués derrière des troncs me fait mal au cœur. Ici le type avec son sifflet c’est guignol, pas du cinéma et ça ne fait même pas rire. C'est même pour moi la pire scène du film, et pourtant il y en a, celle qui me rappelle que je regarde une grosse comédie, pas une histoire. Je déteste ce mec qui sort de dernière un arbre pile quand il est mentionné dans la conversation, c'est un ressort d'émissions pour bambins, totalement artificiel.


Tout est trop rapide, on passe d’un décor à un autre, on met en place les personnages et la scène suivante se déroule. Elle peut être bonne … pour du théâtre, ou pour une série dont on sait qu’elle doit se montrer astucieuse pour cacher la misère. Sur grand écran on attend autre chose.


D’autant que malgré un budget que j’imagine conséquent (bon c’est sans doute pas Hollywood quand même), le résultat est parfois bien moche. Bon je passe sur les tenues ridicules de Lancelot et cie qui sont un choix esthétique particulier, mais que je peux apprécier, ou la décision d’habiller les Burgondes comme si ils sortaient d’un festival des couleurs. Mais le château de Camelot est censé faire rêver. On ne l’avait jamais vu que par petits morceaux jusqu’ici dans la série, par manque de moyens, et c’est tant mieux parce que le résultat final ici est une énorme déception. Non seulement il fait peine à voir au niveau esthétique, mais en plus techniquement il est de piètre qualité et fait trucage de bas niveau. Pareil pour le château en ruine du roi Ban qui est fait de briques roses, ce qui fait anachronique non pas parce que ça l’est, la légende du roi Arthur a toujours eu beaucoup d’éléments anachroniques, mais parce que c’est une association dont on a pas l’habitude et qui crée un questionnement.


On retrouve dans ce film la difficulté de gérer un grand nombre de figurants. La saison six avait déjà ce problème. Jusque là Astier se contentait de simuler une foule avec du bruit et en faisant raconter aux personnages ce qui se passait (Arthur menant les batailles depuis un lieu éloigné et en hauteur était un gag récurrent par exemple), dans la saison six on avait déjà eu droit à un rassemblement de Bretons qui ne fonctionnait pas, visuellement. Ici c’est encore pire : plus de moyens (au moins dans la qualité de l’équipement, la variété des décors …), mais l’armée Burgonde c’est 15 figurants qui se battent en duel, les troupes de Lancelot quelques guignols, qui disparaissent d’ailleurs quand on attend une scène de bataille. Sûrement un problème de budget malgré tout, mais c’est peut être aussi une lacune du réalisateur qui visiblement ne sait pas gérer une foule (d'ailleurs dans le dernier Astérix, il fait se rassembler les romains en un bon gros géant histoire d'avoir à gérer un seul personnage et non des centaines).


Une des choses qui m’avaient séduit dans la cinquième saison, et malgré le changement de ton, était de voir se développer certains personnages, en particulier le roi Loth envers qui je ressens beaucoup de sympathie, nous avons tant en commun … Malheureusement les deux heures de films ne laissent que peu de place par rapport au nombre de personnages, surtout qu’il y en a des nouveaux, il en faut. Alors de brillants personnages comme le roi Loth, et d’autres, se retrouvent avec quelques répliques à peine, tout juste bons à servir de faire-valoir pour une intrigue centrale. C’est d’autant plus rageant que cette intrigue est du déjà-vu comme je l’ai dit, mais c’est de toute façon un défaut du médium. Même si un film ne correspond sans doute pas à une saison complète, il doit posséder un arc narratif propre et ne peut se permettre de laisser trop de points ouverts (quoique le MCU fait pas mal ce genre de choses). Il n’y a pas assez de place pour les personnages, et leur présence en simple arrière-plan pousse à mal les utiliser, bon nombre d’entre eux traversent à peine l’écran, lâchent une ou deux répliques histoire de satisfaire les fans, et voilà, une case de plus de cochée, on passe au suivant. C’est bien trop rapide.


On en vient même à créer des incohérence vis à vis de leur caractère, pour reprendre mon petit préféré, le roi Loth, il apparaît ici comme simple sous-fifre de Lancelot, un peu grande-gueule mais très soumis, et l’impression qui s’en dégage est qu’il n’a pas trahi ou tenté de trahir une seule fois en dix ans. Impression fausse je l’espère mais les « méchants » apparaissent vraiment comme un camp monolithique, tous les traîtres et autres comploteurs regroupés sans qu’il y ait une logique visible.


Il y avait déjà ce problème à la fin du livre six, Lancelot faisant apparaître de nul part une armée du mal, prête à lui obéir dès qu’il obtient le pouvoir, ce qui a peu de sens dans le contexte. Bon il s’agit des saxons, sans doute, c’est une explication, mais d’où les a-t-il sortis ? Comment ce fait-ce que le royaume reste unis alors que sa légitimité est plus que bancale, sa popularité au plus bas parmi le peuple comme les nobles bretons, qu’Arthur, qui avait pourtant Excalibur, le soutien du peuple, et ses résultats qui parlaient pour lui, galérait à maintenir une fédération ?


Un point mineur, mais qui est une grosse déception du point de vue crédibilité d'Astier, est le choix de certains acteurs. Il se vante de ne faire jouer que des gens dont il est sûr du talent, pour les avoir vu sur les planches normalement. Il excelle, il faut bien le dire, à donner le bon dialogue au bon acteur. Il donne des leçons sur ce qu’est le théâtre et ce que doit être un acteur dans sa série, et parfois dans ses interviews. Avec tout ça on attend de lui un certain niveau quand au choix de ses acteurs. Aucun qui soit pris pour son nom si il ne mérite pas par son jeu (bon déjà il y a Clavier, preuve qu'il n'est pas si regardant que ça sur la qualité).


Et pourtant … népotisme, quand tu nous tiens. L’acteur qui joue le roi Arthur jeune n’est pas bon, en tout cas pas dans ce film et pas au niveau attendu. Idem pour les filles de Caradoc qui se retrouvent par moment à jouer faux. Je ne les blâme pas, ils sont jeunes et certainement issus du théâtre, et passer du théâtre au grand écran est difficile, bon nombre d’acteurs de théâtre jouent complètement faux malgré des années d’expérience. Mais ces trois jeunes acteurs qui ratent leur performance ont un point commun (que j’ai vérifié, je me doutais de quelque chose) : leur nom de famille est Astier.


Un mécanisme que je n’apprécie guère en général est le flashback. Dont le film use et abuse, racontant une histoire secondaire en parallèle, celle d’un jeune Arthur dans la légion, tombant amoureux d’une jeune princesse exotique, et se retrouvant à tuer pour la protéger. De rares, bons, flashbacks apportent parfois quelque chose, une clef qui permet de résoudre un mystère en surprenant le spectateur en même temps. Rien de tel ici, beauté des images mise à part, car cette partie ci est quand même visuellement réussie, ces flashbacks sont chiants et n’apportent rien au récit. Cela appauvrit même le personnage d’Arthur qui avait déjà son histoire d’amour traumatisante dans la saison six et surtout était présenté au début de cette saison comme un simple soldat, n’ayant aucunement l’apparence d’un chef, étant le raisonnable mais aussi le suiveur dans le couple amical qu’il formait avec un autre légionnaire. Mais là non, en fait Arthur était déjà chef de bande adolescent.


Voilà une longue liste de critiques. Je me montre dur sans doute avec ce film. Qui aime bien châtie bien, et l’on est certainement plus dur avec ses héros lorsqu’ils choient. Je m’efforce de ne pas avoir de héros, pas d’idole, en tout cas vivante, c’est plus facile d’admirer quelqu’un qui ne peut plus commettre d’erreurs. Mais j’ai une certaine admiration, mesurée, pour Alexandre Astier, en tout cas pour ses qualités professionnelles. Kaamelott, la série, a des qualités exceptionnelles.


Le film en conserve certaines, Alexandre Astier sait toujours écrire des dialogues, des personnages charismatiques qui sortent des sentier battus. Il y a de l’humour et c’est parfois très drôle, parfois poétique aussi, intense. Il y a de belles images et des scènes réussies. Tout n’est pas à jeter, loin de là. Et ce n’est pas juste beau comme j’ai pu trouver que Black Panther était beau, avec une esthétique afro-futuriste réussie, mais sans âme. C’est finalement un peu ce qu’Astier a toujours fait. C’est du théâtre porté au grand écran, et puis-je lui reprocher au prétexte que j’avais d’autres attentes ?


Le choix a été fait d’en faire des films. Je n’aurais pas dit non à une saison sept ou huit personnellement, mais il fallait que ce soit des films, on est en droit d’attendre que ces films soient réalisés au mieux de leur format et de leurs contraintes. Qui plus est certaines de mes critiques, je pense, vont au-delà de cet aspect.


Comme je l’ai dit en introduction, à un moment je pensais que ces films ne se feraient jamais. Et pourquoi auraient-ils du l’être ? L’histoire était déjà complète à la fin de la saison six. Pratiquement tout ce que dit la légende était déjà présent : Arthur mourant, emporté sur les flots, avec une promesse de retour. La fin du rêve, de la trêve, de la table ronde, ne restait que le souvenir d’une époque bénie, unique, et l’espoir qui va avec cette promesse. C’était d’autant plus réussi que la réalité rejoignait la fiction, le spectateur attendant Kaamelott autant que les bretons pouvaient attendre Arthur.


Il est trop tôt pour dire si je vouerai Alexandre Astier aux gémonies autant que je peux le faire pour Georges Lucas, mais je commence déjà à me dire que si c’était pour un tel résultat en demi-teinte, est-ce que ça valait vraiment le coup ?


Critique tirée de mon blog.

Mattchaos
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le 7 sept. 2021

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