L'incommunicabilité au coeur de nos dysfonctions

Juste la fin du monde, adapté d'une pièce d'un dramaturge français, avait tout pour plaire à Xavier Dolan puisque son personnage principal,Louis,qui revient chez lui après douze ans d'absence est homosexuel et artiste comme lui. Il y a donc une véritable identification du jeune réalisateur qui a pu s'emparer de son matériau de base avec un intérêt fort. Cela se traduit dans les plans du film par des fondus enchaînés ou des gros plans inspirés qui font que le spectateur n'a pas l'impression de voir du théâtre filmé. Juste la fin du monde est aussi un film qui s'écoute religieusement car toutes les informations qui permettent sa compréhension sont en majorité dans le texte que Dolan a parvenu à bien séquencer pour que les positions des personnages soient bien perçues,comprises. Pas évident du tout lorsque le retour contrarié de Louis confirmera toute l'incommunicabilité de sa famille dysfonctionnelle,et par extension de nos dysfonctions.
Le casting essentiellement français de Xavier Dolan (de Nathalie Baye à Vincent Cassel, de Marion Cotillard à Léa Seydoux, et bien évidemment Gaspard Ulliel) est remarquable. J'imagine la difficulté des acteurs à évoluer dans des scènes à consonances contradictoires, où la cacophonie révèle l'étendue des incompréhensions durables entre les membres de cette même famille. Un exercice périlleux qui a du les habiter bien après le tournage.
L'inexorable avancement de Juste la fin du monde fait peur car elle nous montre l'odieuse incapacité des personnages à interagir et se contentant de postures quasi animales pour se protéger,s'affronter et tomber dans le malentendu. Cette situation aboutira au triste constat final qu'on arrive à pressentir malgré tout puisqu'il n'y a pas d'issue à ces retrouvailles familiales que Louis avait provoqué pour une raison bien précise. Une véritable tragédie des temps modernes qui hante car elle nous ramène à nos propres rendez-vous manqués,à nos déceptions et à nos faiblesses parfois.
Je conseillerai donc Juste la fin du monde à un public averti, qui connaît un tant soit peu l'univers cash de Xavier Dolan et saura recevoir ces turbulences pleines de sens sans se sentir complètement agressé et retourné. Je me permettrai aussi de revenir sur l'intérêt du rôle de la mère de famille au milieu de ses enfants déchirés ainsi que sur le rôle du frère aîné campé par Vincent Cassel dont le cruel manque d'empathie le conduit à des attitudes excessives à la limite de la démence. A voir aussi avec l'esprit libre de soucis sans être mal dans sa peau avant le début de la projection.

Specliseur
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le 21 sept. 2016

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