Ils voulaient vivre à l’Eden, mais le paradis n’est pas sur Terre

Jules et Jim est un coup de cœur immédiat. La voix off, d’abord, par l’excellence des mots, le raffinement, l’élégance, l’art racé de la description, du portrait, participe à une chronique de la vieille France d’avant-guerre, sans qu’elle soit idéalisée, et nous expose un art de vivre où la tranquillité d’esprit règne. Les dialogues optent pour la même distinction, les protagonistes parlant comme dans un livre. L’exercice suppose un manque de naturel de temps en temps, ce qui n’est jamais réellement handicapant. C’est une authentique histoire d’amitié entre deux dandys, qui préféreront le vouvoiement jusqu’à la fin. Mais cette pratique n’altérera pas chez eux une certaine proximité, une affection sincère, avec un respect partagé qui restera toujours inconditionnel. L’arrivée du personnage de Catherine, interprété par une Jeanne Moreau gracieuse mais insaisissable, parfois à la manière d’un oiseau, d’autres fois à la façon d’un serpent, apporte une configuration amoureuse triangulaire, qui les fait sortir de l’éventail de normes, pour le meilleur et pour le pire. C’est toujours un pari qui se jouera, celui de la communion, de l'accommodement, de la conciliation, de la synergie. Un mariage engendrera des jalousies et des mensonges, des infidélités et des vengeances, des espoirs aussi, globalement sans coups d’éclat manifestes, le tout avec quelques déperditions. Un échange épistolaire tentera une ultime liaison. Mais les perspectives seront obscures, et le sourire de Catherine, mi-ange, mi-démon, pareil à celui de La Joconde : il pourra évoquer la mort, qui se profile à l’horizon. Étrangement, la conclusion, tragique, mortuaire, ne provoque pas d’état de stupéfaction, même si on passe de l'outrance à une réaction inflexible. Le message terminal est saisissant et peut être interprété de la manière suivante : la planète tourne à 1700 km/h. Sans accroche, sans stabilité, sans racines, on perd pied, on s’envole et on subit le tourbillon de la vie.

https://www.youtube.com/watch?v=dcVcwwo8QFE

OkaLiptus
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Ma consommation Netflix et Les plus belles affiches de films

Créée

le 30 mars 2023

Critique lue 316 fois

27 j'aime

16 commentaires

Oka Liptus

Écrit par

Critique lue 316 fois

27
16

D'autres avis sur Jules et Jim

Jules et Jim
EIA
6

Je t'aime, moi non plus

Jules et Jim, Jim et Jules, Jules et Catherine, Jim et Catherine, Catherine et Albert, Catherine et les autres, Catherine, Jules et Sabine, Jim et Gilberte... Ca en fait du monde tout ça! De quoi...

Par

le 21 avr. 2015

46 j'aime

1

Jules et Jim
Grard-Rocher
8

Critique de Jules et Jim par Gérard Rocher La Fête de l'Art

Jules est allemand et Jim est français. Ces deux copains inséparables malgré leurs caractères et leurs façons différentes de voir la vie vivent chichement leur passion d'artistes dans le Paris de...

44 j'aime

15

Jules et Jim
Mr_Jones
6

Ménage à trois

Jules et Jim sont amis et vivent à Paris. Le premier est autrichien, l'autre est français. Arrive alors dans leur vie Catherine (Jeanne Moreau), une belle jeune fille qui devient vite leur amie...

le 7 déc. 2011

28 j'aime

4

Du même critique

Edward aux mains d'argent
OkaLiptus
10

Once upon a time in Hollywood...

"Bien sûr qu'il avait un nom, il s'appelait, Edward..."Autrement dit, Tim Burton. Œuvre magistrale, naïve, irrésistible, foudroyante, féerique, mais qui sait jouer du réel tout en intégrant les codes...

le 6 déc. 2023

105 j'aime

75

Léon
OkaLiptus
10

And she's buying a stairway to heaven

Par la présence presque organique de la musique lancinante, parfois explosive d’Eric Serra, Léon est un concert sons et lumières, où les bas-fonds sont exposés dans un cortège funèbre aux autorités...

le 7 avr. 2023

91 j'aime

50