Juice
6.6
Juice

Film de Ernest R. Dickerson (1992)

Juice (Ernest R. Dickerson, U.S.A, 1992, 1h35)

Au début de la mode des ‘’Hood Films’’ arrive sur les écrans un petit film New-Yorkais, ‘’Juice’’, proche des thématiques du genre. À savoir le portrait d’une jeunesse Afro, confrontée aux difficultés d’un quotidien difficile, qui offre peu d’opportunités d’avenir. Entre les études, la musique, et la tentation de se laisser séduire par la violence environnante, un groupe de quatre amis est aspiré dans une descente aux enfers, de laquelle il ne pourront sortir indemnes.


Assez classique sur la forme, ‘’Juice’’ se présente assez rapidement comme un petit drame sans trop d’envergures. Assez modeste dans sa réalisation comme dans le traitement de son sujet, il n’évite pas de sombrer dans des écueils appelés à devenir des clichés du genre. Mais il participe tout de même à solidifier certaine de ses conventions, comme l’ajout d’une dimension musicale. Puisque Q, le personnage principal, est DJ.


Surfant sur la contre-culture émergeante du hip-hop, le métrage compte dans son casting la présence de Tupac Shakur, plus connu pour ses albums et ses frasques, que pour la carrière cinématographique assez substantielle qu’il se construisait au début des années 1990. Il est ainsi cultivé une identité urbaine, reflet d’une certaine réalité, avec une jeunesse qui s’ennuie.


Rapidement le récit plonge ses protagonistes vers le drame imminent. Q, Bishop, Steel et Raheem, soudés depuis leur plus tendre enfance, voient naître des tensions dans leur petit groupe. Alors que Bishop apparaît de plus en plus incontrôlable, fasciné par l’aventure houleuse que peut réserver une vie faite de crime, il témoigne d’une certaine violence, même envers ses amis.


Pourtant, l’appartenance communautaire qui les lie est aussi forte, peut-être même plus qu’un lien familial. Ce qui rend d’autant plus difficile de gérer le tempérament de leur pote de plus en plus ingérable. Tout ça est proposé sous le jour d’un premier degrés inébranlable, prenant le sujet très à cœur. Même si dans l’ensemble le film peine un peu à décoller, malgré le portrait convainquant de cette jeunesse new-yorkaise qui reflète une certaine expérience de la rue, de la part du cinéaste et de son casting.


Par l’horreur et l’indicible, le quotidien des protagonistes les confronte à une dure réalité, évoquée au travers de l’épreuve qu’ils doivent affronter. Si Q parvient lui à trouver une échappatoire par la musique, qu’il compose et qu’il joue, ce n’est pas le cas pour ses camarades. En particulier Bishop, attiré par le côté hors la loi de sa condition, cultive une attitude gangsta de mecton dangereux, au lieu de chercher à s’en extirper.


À mesure qu’il s’enfonce, l’ambiance du métrage se durcit. Ce qui commence comme un film de pote, s’oriente davantage vers la quête identitaire de deux personnages : Q et Bishop. Mais au lieu d’évoluer de concert, et s’épauler, ils se divisent, mettant en péril leur amitié. Alors que le premier connaît le succès et donne ses premiers concerts, le second bascule vers le crime.


Décliné comme une leçon de vie des plus crue, ‘’Juice’’ propose un destin croisé de quatre jeunes à qui la vie ne réserve rien de bien excitant. Ce n’est que par la force de leur volonté qu’ils pourront prétendre à autre chose, eux qui sont issu d’un milieu ouvrier qui souffre. Une thématique qui trouve toute sa résonnance dans l’arc narratif reliant Q à Bishop, dont les destins divergeant semblent indissociables. Comme les deux faces du même dollar.


Il est possible de reprocher à l’œuvre d’Ernest R. Dickerson une certaine facilité d’écriture, qui laisse en suspens quelques interrogations, ou bien sur la légitimité des actions de certains personnages, qui paraissent parfois un peu forcées. C’est toutefois contrebalancé par le talent des comédiens qui les incarnent, portant le métrage de bout en bout, en faisant un ‘’Hood Film’’ de qualité. Non exempts de défauts certes, mais convainquant de par son authenticité.


S’il n’a pas la profondeur dramatique d’un ‘’Boyz n the Hood’’, et apparaît comme plus confidentielle, il n’en est pas moins générationnel. Évoquant sans retenue les mêmes problématiques, avec un ton différent plus appuyé par sa nature de fiction. Dans son dernier tiers il se transforme même en thriller, plongeant complétement dans une folie meurtrière. À travers une chasse à l’homme dans les quartiers délabré d’un New-York crépusculaire.


Néanmoins ‘’Juice’’ demeure une œuvre avec un grand capital sympathie. Même si ses personnages sont parfois un peu stéréotypés, rendant difficile la création d’empathie envers eux. Cependant, c’est l’occasion de voir (ou revoir) Tupac Shakur dans son premier vrai rôle au cinéma, et regretter qu’Omar Epps n’ait pas fait une carrière à la hauteur de son talent. Plus anecdotique, il est aussi possible d’y croiser Samuel L. Jackson dans un rôle très secondaire, avant qu’ils ne deviennent le ‘’Bad Motherf***er’’ préféré de toute une génération.


Au final, si ‘’Juice’’ à un peu de mal à sortir du lot des productions de 1992, il demeure une production plus qu’honnête, et un moment de cinéma réflexif. Ne serait-ce que pour la place qu’il occupe dans l’histoire du genre qu’il représente. Et aussi par le traitement sans concessions d’une réalité à laquelle se confrontent les communautés minoritaires aux États-Unis. Si ce n’est pas une œuvre qui a fait date, elle en reste non moins une proposition de cinéma brillante, non dénué d’intelligence et d’intérêt.


-Stork._

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le 3 avr. 2020

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