oct 2012:

Au plus loin qu'il m'en souvienne, la danse de Nanni Moretti sur les pas de Silvana Mangano dans cet estaminet a quelque chose de baroque et qui forcément s'agrippe facilement à ma cervelle pour y tenir encore longtemps. C'est sans aucun doute cette scène plus qu'une autre qui a marqué ma découverte du cinéma étrange de Nanni Moretti. Il y a bien une 20aine d'années, j'ai dû voir le film sur Arte, du temps où cette chaîne respectait le cinéma en proposant la version originale des films qu'elle diffusait. J'ai aussi des bribes vespatiques, des images de Moretti dans ses trajectoires balado-musicales de par les rues de Rome, avec sans doute la voix de Leonard Cohen qui ancre tout ça dans un coin de ma tête.

Alors décidément, ce film est intimement lié au thème de la mémoire, pas uniquement pour le cinéaste. Ça tombe bien parfois. Un journal intime a toujours cette fonction mémorielle, autant que testimoniale. Mais il est vrai que les bouts d'archives personnelles et le fait que le cinéaste mêle évènements personnels et réflexions plus générales cèdent peu de place à l'histoire.

Effectivement on a connu un Moretti plus politique, cependant il a toujours fait preuve d'un engagement personnel dans ses histoires et on en lui sait gré. Il n'y a donc pas de mensonge sur la marchandise : il s'agit bien d'un journal intime, disons d'extraits de journal intime, au nombre de trois et qui abordent donc trois pensées, trois thèmes dans lesquels l'artiste peut se permette par ci par là quelques virages comiques, poétiques ou même philosophiques.

Ce qui est sûr, c'est qu'on assiste là à une œuvre pensée, réfléchie, à la fois drôle et émouvante, assez riche pour initier la réflexion personnelle chez les spectateurs... un film-livre, ouvert, riche.

Difficile dès lors de s'emmerder, entre le voir et le réfléchir, le film embarque le public curieux et attentif sur un navire très intéressant, pour un voyage introspectif amusant, coloré, où l'ironie le dispute à l'attendrissement.

Je conçois néanmoins que l'aspect autobiographique, voire épistolaire, puisse en déranger quelques uns. C'est pour cette raison que j'insistais sur le préalable de "curiosité" requis chez le spectateur. J'ai un regard attendri pour ce film, mais je me dis que ce n'est peut-être pas le meilleur Moretti pour découvrir ce cinéaste. Pourtant, je vous ai dit tout le bien que je ressentais à l'évocation des souvenirs de ma première vision, mais vous avez noté aussi que je disais n'en avoir retenu que des morceaux éparpillés et flous, la vue d'ensemble et le propos étant partis en fumée. Sans doute faut-il voir dans la nature pour le moins bizarroïde du scénario une des raisons majeures de mon oubli. Quoiqu'il en soit, voilà un trou de mémoire comblé et c'est très bien. Vive Moretti!
Alligator
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le 20 avr. 2013

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