Qu’est-ce que John Wick, au fond ? C’est un ballet. C’est une suite de tableaux, de numéros, d’entrées, de scènes, unifiées par un argument un peu concon, simple, naïf, mais suffisant pour qu’on admire le danseur étoile voler dans les airs au milieu du corps de troupe.

Une fois qu’on a cela en tête, qu’on n’est pas là pour trouver la profondeur, la vérité, la subtilité (même si on la trouvera, au troisième degré peut-être, dans le jeu sur l’excès et les clichés), mais qu’on est dans le spectacle pur, dans l’outrance, dans le plus ultra, dans la danse hallucinatoire des flingues et des lames, alors John Wick 4 se place déjà tout simplement parmi les meilleurs films d’action. Oui, John Wick 4 est réussi ! Après les trois premiers, ce qu’il nous propose, c’est : plus long, plus loin, plus fort.

Si vous avez aimé les précédents, inutile de dire que vous adorerez celui-ci, même s’il est parfois un peu lent dans les transitions qui font avancer une intrigue minuscule (John Wick revient pour dégommer la Table et celle-ci va mettre tout ce qu’elle a en réserve pour lui faire la peau). Si vous avez halluciné devant la beauté de la scène des catacombes de Rome dans le 2, ou du combat dans le musée de verre avec Zéro et ses sbires dans Parabellum, vous allez halluciner encore un peu plus ici. Si vous aimez la mythologie de la Grande Table, ses traditions, ses grands pontes et ses règles bizarres, vous aurez encore quelques noisettes à vous mettre sous la dent. Si vous aimez les voyages, l’exotisme, les décors frappants, les personnages hauts en couleur, les clichés sur les pays et les cultures (ce qui nous faisait marrer dans l’écran de sélection, les personnages et les décors de Street Fighter 2), vous allez encore trouver votre bonheur. Et si vous aimez John Wick, ses punchlines miteuses, le jeu de chien battu de Keanu, sa brutalité gracieuse et inexorable, ne vous inquiétez pas, il est toujours là.

On retrouve notre bon Johnny là où on l’avait laissé, réfugié dans le royaume souterrain du Bowery King, comme un Clubber Lang à l’entraînement, pour se remettre de sa fausse disparition de Parabellum et préparer leur vengeance commune contre la Table. On revoit assez rapidement Winston, le patron du Continental de New-York, et son affable concierge Charon, visités par un mystérieux Emissaire de la Table, interprété par le caverneux Clancy Brown. Le rôle trouble joué par le Continental, qui a permis à John de fuir, n’a pas échappé à la confrérie des assassins, qui... Mais j’arrête là avec le récit pour ne rien divulguer.

Comme d’habitude, le réalisateur aime ses seconds rôles, et l’on retrouve avec plaisir Lawrence Fishburne, Ian Mc Shane, Lance Reddick et leurs personnages ambigus, mais bienveillants envers notre héros taciturne, auxquels vient s’ajouter ici Hiroyuki Sanada, cher aux fans de San Ku Kai, impeccable dans son rôle d’oyabun manieur de katana au Continental de Kyoto.

Mais John Wick vaut surtout par ses méchants plus grands que nature : ici, c’est une caricature de français, le marquis de Gramont, un petit péteux prétentieux et perfide qui se retrouve à la tête de la Table (le faux accent français du suédois Bill Skarsgard vous fera plutôt marrer, mais il est lâche et veule à souhait), et surtout le Caine de Donnie Yen, génial en tueur aveugle, comme un hommage à Zatoichi, tantôt malheureux, tantôt malicieux, et seul rival à la mesure de John Wick, dont il a été l’ami. C’est tout simplement le meilleur adversaire de la série, parce qu’il crève l’écran, parce que son background a été soigné, parce qu’il évolue avec le récit, parce qu’il a du style, et parce que Donnie Yen est un grand danseur. C’est Fred Astaire avec une canne épée. Je vous laisse découvrir les autres seconds rôles, dont un équipage cynophile qui a de l’avenir.

Pour ce qui est des morceaux de bravoure et des décors, on oscille entre Kyoto, Berlin et Paris. Et le grand plaisir du film, c’est de magnifier le cliché comme un parc d’attractions, c’est de nous en mettre plein la vue avec ce que les villes offrent de plus beau, de plus grand, de plus touristique, mais de manière hyperbolique. Que voulons-nous voir au Continental de Kyoto ? High tech et katanas ! Qu’est-ce qu’il y a de bien à Berlin, à part la Porte de Brandebourg ? Eh bien le Berghain, le plus célèbre club techno au monde ! Mais ce sera un ultra Berghain fantasmé, un truc imaginaire et outré, même si son portier Sven fait un caméo dans le film.

Et Paris ? Eh bien réjouissez-vous, spectateurs franchouillards, le réalisateur adore Paris ! Avec certains de ses lieux emblématiques, sa géographie unique, ses hauts et ses bas, Paris est le terrain d’obstacles ultime pour John Wick. John Wick 4, c’est Emily in Paris version shoot’em up. Et c’est là que les trois meilleures scènes d’action du film ont lieu : une poursuite, ou plutôt un combat en bagnoles dans l’endroit de la ville où ce serait absolument impossible, une séquence totalement virtuose dans un hôtel particulier en travaux, pour laquelle le réalisateur a dû se dire « vous m’accusez de faire du jeu vidéo ? Vous n’avez encore rien vu », et l’ascension calvaire du plus célèbre escalier de la capitale.

Je ne mets pas la meilleure note, parce que c’est parfois un peu long, surtout au début, parce qu’il y a quelques déséquilibres dans un récit prétexte à voyager et à confronter. Mais par sa mise en scène hallucinante, - qui rappelle qu’un bon film d’action est un ballet, dont la chorégraphie prodigieuse est mise en valeur par un montage patient, généreux, qui évite les plans de coupe frénétiques-, par son jeu jubilatoire sur l’excès et les clichés, grâce à ses antagonistes typés, ses lumières, ses décors, et aussi parce que sa fin est belle, John Wick Chapitre 4 est, à chaud, le plus intense de la saga, et mérite amplement une note excessive.

Randolph-Carter
8
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le 6 mars 2023

Critique lue 357 fois

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Randolph-Carter

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