Rambo c'est avant tout une affaire de malentendu.
1982 Ted Kotcheff (qui n'a pas eu une carrière à la hauteur de ce fabuleux First Blood) nous montre un vétéran du Vietnam pris à partie par un Shérif redneck et forcé de se réfugier en forêt et de retourner à son état de bête de guerre pour s'en sortir. Film d'action ultra efficace qui faisait le portrait d'une Amérique (les "méchants" sont les représentants de l'autorité et de la loi) incompétente (les "soldats" qui ensevelissent Rambo sont de la garde nationale, épiciers la semaine et militaires le week-end!) préférant se voiler la face quand à son échec au Vietnam. ce Rambo initial était l'exemple parfait du film à la fois divertissant et très soigné dans son scénario et sa mise en scène (le genre de qualité qu'on peine à retrouver aujourd'hui).


Pourtant ce sera surtout l'image de Rambo II et Rambo III que les gens retiendront du personnage: Un superman sanguinaire et apôtre de la politique extérieur américaine défouraillant des dizaines de mecs sans réfléchir (les gens oublient souvent que dans le premier Rambo il ne tue qu'une seule personne, en état de légitime défense et par accident, et qu'à la suite de ce geste il désire se rendre... on est alors très loin de la marionnette de la World Compagnie). Le personnage perdait en profondeur et en intérêt ce qu'il gagnait en victimes.
Depuis: le vide, 20 ans de silence. Mais Sylvester Stallone sent que les vents sont favorables et il cherche à redonner vie à la bête comme il a réussi, contre toute attente, à le faire avec Rocky.
Alors ce John Rambo dissipe t'il enfin le malentendu et redonne t'il toute sa vitalité à la légende ?


Autant aller droit au but: non. En fait le film à plutôt tendance à s'enliser tout seul dans ce malentendu. Avec son ouverture sur des véritables images des exactions de la junte birmane et une séquence au sadisme dérangeant, le choc est brutal. Finit le spectacle gratuit et glorifiant la force. Ce John Rambo veut s'ancrer dans son temps pour pointer du doigt des problèmes concrets de notre monde réputé "moderne". L'intention, aussi inattendue que louable, ne tient malheureusement pas ses promesses et John Rambo tombe à plat. Une partie du problème est imputable à un Sylvester Stallone, pas assez doué et mature en tant que metteur en scène. Défaut déjà présent dans tous ses films à ce poste et qui vient vraiment handicaper ce retour tant attendu.


En effet on perçoit une volonté de dépeindre avec réalisme une situation de barbarie ultime, volonté qui se traduit par des scènes vraiment très dérangeante où l'on voit des enfants de tout âge se faire mutiler et tuer, des militaire déployant une violence d'une gratuité féroce contre des civiles ou encore des séquences de viols syncopées. Un certain malaise s'installe au vue de ces scène, la prise de conscience est réelle et efficace. Le réalisateur nous refusant tout recul pour qu'on se prenne tout en pleine gueule. Le problème c'est que ces séquences n'échappent pas à une certaine complaisance et surtout sont alourdies par un surlignage dont elles n'ont absolument pas besoin (Quelle nécessité de montrer le chef de la junte comme un pédophile ? L'utilisation de ralenti lors de ces séquence était-il vraiment nécessaire ?).
Le vrai problème est qu'au final ces pistes ouvertes n'aboutissent qu'à un gros mitraillage en règle et dépourvu de tout sens tant il verse dans l'exagération propre à l'épisode 2 et 3 de la saga. Le cul entre deux chaises Stallone ne parvient pas à allier sa volonté d'emmener sa saga vers d'autres horizons et la satisfaction d'un public venu chercher un bout de légende saignante.


Les deux visages de la violence cohabitent (la violence crasse qui fait mal au coeur et la violence conne qui libère les pulsions) mais se nuisent, se parasitent et trouble l'identité du film: Comment prendre ce film pour un pur divertissement avec sa première partie qui met franchement mal à l'aise ? Comment prendre ce film pour un pamphlet raisonné avec sa dernière partie en roue libre et 100% spectaculaire ? Comment prendre au sérieux un film dénonçant une certaine forme de barbarie pour ensuite en faire une sorte d'apologie, même inconsciente ?


Le problème aurait pu être résolu si Stallone avait pris le temps de poser un peu plus son intrigue et ménager sa narration. John Rambo est l'exemple type du film précipité, tout s'enchaîne trop vite et de nombreuses ellipses viennent détruire la cohérence du film. A l'image des mercenaire dont on nous présente que la moitié et en moins de 2 minutes. Même sort pour les missionnaires dont on ne connaît que 2 membres alors qu'ils sont 4 ou 5 (on sait même plus tant les autres servent à rien). On ne s'expliquera toujours pas comment ils font pour trouver un brancard tout beau au milieux de la jungle ni même comment le groupe de gentil se fera capturer par la junte, ils marchent, quelques plans sur John et on revient bah ils sont capturés. On se demandera toujours d'où sortent les rebelles lors de la séquence finale (tout comme il est impossible de comprendre où se situe la Jeep "capturée" par John pour l'assaut final, faute à un découpage ne ménageant aucun plan d'ensemble pour évaluer la topologie des lieux... résultat on passe un bout de temps à essayer de savoir qui fait quoi, où et pourquoi, au lieu de profiter du "spectacle" ).


Certains sont imputables au scénario (Stallone a aussi participé à ce niveaux là donc ça change pas grand chose) mais la mise en scène ne fait même pas l'effort de dissimuler ces lacunes, regrettable. Ce qu'il manque vraiment à ce John Rambo c'est 15 bonnes minutes (ou 10 peut-être) pour mettre en place ses ambiances, croquer ses personnages et surtout poser ses enjeux.
Tout cela est encore alourdi par une propension assez effarante des personnage à sortir des banalités de comptoir en se donnant des grands airs.


Stallone nous présente John comme un homme désabusé et brisé par les guerres, sans doute le meilleure angle d'attaque possible mais il est vraiment très dommage qu'il ne se soit pas rendu compte (ou qu'il n'ait pas voulu, au choix) de la proximité de toute une partie de son récit avec Apocalypse now . On remonte une rivière vers un pays dont on nous dit qu'on a rien à y faire pour aller tuer un chef devenu fou. Il massacre des gens pour rien, exactement de la même façon dont Brando décrit les actes dont il a été témoin dans le chef D'oeuvre de Coppola. Une analogie qui frappe pourtant à la vision du film et qui, si elle avait été mieux exploitée, aurait permis de bien remettre en perspective le traumatisme initial de John (le Vietnam, comme il nous le rappelle au détour d'un dialogue) avec sa situation d'aujourd'hui. Encore une autre piste dont le potentiel est pourtant éclatant mais qui n'aboutira pas. La conclusion du film, émouvante presque, laisse un ainsi un drôle de goût d'inachevé, les intentions sont là mais leur exploitation fait cruellement défaut.


On sent encore Stallone piégé dans son propre mythe et la récente annonce d'un Rambo V vient le confirmer. Il n'en a pas encore finit, la métamorphose est inachevée mais bel et bien en route et rien que pour le plaisir de ne pas voir disparaître une légende sur une touche autant en demie-teinte on attend ce "dernier" volet, celui de la dernière chance. On prendra ce trop bancal John Rambo comme un épisode de transition, sans doute nécessaire. Le come-back est certes plus sincère et intéressant que celui, totalement inutile et raté, d'un McClane transformé en porte parole de Fox News par un réalisateur con comme ses pieds.
John Rambo reste malgré tout un rendez-vous manqué, a vouloir ménager la chèvre (Utiliser le mythe pour soutenir un discours) et le choux (Satisfaire les fans d'action primaire) il n'aboutit sur rien de concluant. Bon maintenant Sly tu nous le fait ce putain de chapitre ultime avec ton John V, Ok ?

Vnr-Herzog
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le 11 mai 2010

Modifiée

le 13 sept. 2012

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