Jeux pervers
5.3
Jeux pervers

Film de Matteo Rovere (2008)

Sexe Intentions (1999) de Roger KUMBLE et les films de Larry CLARK ont fait émerger une nouvelle vague de « teen movies », plus sexués et plus désespérés également. Fini l’optimisme béat des hippies, place au pessimisme des années de crise. Ce sous-genre continue d’engendrer des soubresauts, notamment en France Bang Gang (2015) ou le pétard mouillé Grave (2016) ou aux USA, Springbreakers (2012). L’Italie n’est pas en reste, trois années après le remarqué Melissa P. de Luca GUDAGNINO (2005), sortait Un gioco da ragazze, diffusé à la télé sous le titre Jeux Pervers. Elena (la très mignonne Chiara CHITI), Michela (Desirée NOFERINI) et Alice (Nadir CASELLI) sont trois élèves d’une école privée très onéreuse où l’uniforme est de rigueur. Leur vie monotone s’égrène entre les garçons, les sorties en discothèques, les fêtes, l’alcool, les amphétamines. Elena est clairement la meneuse : admirée pour sa beauté, enviée pour sa richesse, dévergondée, effrontée, elle n’a froid ni aux yeux ni ailleurs et ne semble aimer rien ni personne si ce n’est son clébard. Blindée aux as, elle mène une existence dans la toute-puissance ne s’encombrant ni de morale, ni de respect. Mario Landi (rien à voir avec le réalisateur de Giallo a Venezia), nouveau professeur de littérature (Filippo NEGRO) est nommé dans leur école. Idéaliste, il aimerait ramener les brebis égarées sur le chemin des bonnes mœurs et des études. Il semble surtout irrémédiablement attiré par Elena qui a plus d’un tour dans son sac pour retourner la tête du moindre mâle. Italie oblige, tout cela finira très mal et de manière complètement immorale puisque la petite garce abusera de tout son monde, charmera le prof qui perdra famille, travail et liberté alors qu’elle pourra continuer à se pavaner autour de sa piscine. C’est d’une certaine façon la démonstration inverse du neuneu Le cercle des poètes disparus, complètement amorale Elena ne changera pas d’un iota sa façon de penser et continuera d’agir comme bon lui semble méprisant ses amies, harcelant ses rivales (la voir se foutre de Livia qui vient de tenter de se suicider vaut son pesant de cacahuètes, tout comme l’humiliation au jet d’eau de la lesbienne du bahut). Rien ne semble atteindre cette adolescente adepte de la manipulation. Lorsque son père meurt, elle le contourne sans même un regard.
Matteo ROVERE ne s’embarrasse guère d’une visée sociologique ou moraliste. Au contraire, le personnage du professeur qui veut sauver la Terre entière est ridiculisé. Le con perd tout : une épouse aimante, sa dignité et sa liberté (il tue accidentellement le père d’Elena). Nous sommes loin des longs métrages lénifiants nous asphyxiant avec leur moraline à deux balles et leur foi en l’émancipation par l’éducation. La figure du paternel et du Pygmalion en prend un sacré coup. Cette jeunesse fêtarde et toxique, oscillant entre grande joie et désespérance, n’a besoin de personne. Et surtout, elle n’a que faire des us archaïques et hypocrites des adultes.
Néanmoins, le film n’évite pas quelques clichés et les soirées s’avèrent rébarbatives à la longue, surtout que la musique qui y est jouée ne me sied guère. De même, les amourettes de nos héroïnes nous fatiguent. ROVERE insiste peut-être également trop sur l’égoïsme d’Elena : quatre ou cinq scènes développent le même argumentaire. C’est bon nous avions compris. Chiara CHITI incarne à merveille cette peste suprême : regards langoureux, poses lascives et provocantes, moues boudeuses ou allumeuses.
Moins « auteurisant » que ses homologues français, Jeux pervers distille un sentiment étrange, celui de la décadence de la société occidentale laissant au nom de l’homo festivus sa jeunesse se détruire. Un constat amer.

Didier_Lefevre
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le 25 févr. 2020

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