Maïwenn filme le destin de la Du Barry, roturière, courtisane et dernière favorite de Louis XV. De son enfance modeste à son ascension sociale par et grâce aux hommes, la réalisatrice raconte comment elle conquit Versailles en séduisant le roi. Mais, et la réalisatrice ne s’en cache pas, c’est autant une œuvre biographique qu’un autoportrait qu’elle livre ici. À travers la vie de la comtesse, Maïwenn prend la parole pour parler de son propre parcours, de ses propres combats, et en particulier de son rapport contrarié au féminisme. Le choix de Johnny Depp est clairement une provocation et il y a dans sa manière de décrire la réussite de la Du Berry l’idée que les femmes ont besoin des hommes, qu’ils sont un outil qui, bien utilisé, doit leur permettre de parvenir à leurs fins. Elle défend un féminisme à l’ancienne, solitaire, séducteur, admire la force des femmes qui ont réussi seules et « malgré », quitte à laisser passer les abuseurs car au fond, ce ne sont que des hommes (le personnage de Pierre Richard est en cela symptomatique). Elle fracasse en passant la notion de sororité. Les principales ennemies sont les femmes, des pestes ou des figures autoritaires et liberticides dont il faut se méfier. Maïwenn tient cependant à dépasser le statut d’arriviste de son héroïne pour en faire la protagoniste d’une histoire d’amour qu’elle décrit authentique. Mais quoi de plus toxique que l’amour d’un roi ?

Le fond du film n’est donc pas forcément dans l’air du temps et apparaît problématique d’autant qu’il n’offre pas de contradiction, le point de vue n’est jamais relativisé ou mis en perspective. Sur la forme en revanche, c’est une réussite. La mise en scène est bien plus élaborée que dans ses précédents films qui capitalisaient (et fort bien) sur l’énergie qui émanait des interactions électriques entre comédiens. Son Versailles est crédible, sophistiqué et lui offre la possibilité de créer de très beaux plans. A l’écran cohabitent son goût des dialogues piquants et inspirations inédites de cadrage pour donner de très jolies scènes, qu’élèvent de superbes costumes et maquillages. La réalisatrice met de côté pour un moment le bordel organisé caractéristique de son cinéma où tout le monde parle en même temps, comme pour souligner la solitude de la comtesse. Ce qui ne l’empêche pas d’exceller encore une fois dans sa direction d’acteur, même si le personnage de La Borde incarné par Benjamin Lavernhe, gracieux et humain se démarque nettement. Et si les filles du roi sont des caricatures dignes de Javotte et Anastasie, reconnaissons qu’elles sont amusantes, donnant des airs de conte de fées au portait très personnel que fait Maïwenn de Jeanne du Barry.

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le 23 mai 2023

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